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ses partisans et contre lui-même. Cependant, Luigi Ferrari, qui était d’une grande bonté, avait toujours aidé et appuyé quiconque, parmi les anticléricaux de toute espèce, s’était adressé à lui. On sait qu’il fut élu.

Lorsque des FF∴ milanais et des FF∴ génois répudièrent Lemmi et Crispi (seconde quinzaine de mai), Luigi Ferrari nous tint au courant, par des lettres secrètes au Comité Indépendant de Londres : il se montra notre très fidèle allié, tout en gardant, aux yeux du public, certains ménagements politiques pour nos communs adversaires.

En ce même temps, il s’occupait de réaliser une promesse qu’il m’avait faite « pour Diana Vaughan », lors de notre entrevue. J’avais besoin de certains renseignements documentés, devant compléter mon dossier sur Crispi ; alors, il les réunissait ; il en avait déjà de forts intéressants, à en juger par le premier qu’il me fit parvenir.

Luigi Ferrari a-t-il commis en cela quelque imprudence ? Lemmi et Crispi ont-ils découvert qu’il était en réalité mon allié contre eux ?… C’est ce que je crois, en raison de sa tragique fin.

Par un messager sûr, et sans laisser aucune trace, j’avais fait tenir à Luigi Ferrari l’adresse d’une personne à Rome, à qui il pourrait remettre les papiers qu’il me destinait et qui, les révisant au besoin, m’en transmettrait copie et lui rendrait la sienne. Le procédé de son premier envoi m’avait paru défectueux.

Or, Luigi Ferrari été assassiné quelques heures avant son départ de Rimini pour Rome ; il y a des témoins, à qui il avait dit, ce soir-là, qu’il partirait le lendemain matin pour Rome, et je sais qu’il avait ses papiers prêts pour moi, renfermés dans un grand portefeuille.

Des agents de Lemmi excitèrent habilement un groupe d’ouvriers socialistes contre Luigi Ferrari ; il fut assailli par des hommes de bas peuple, deux cordonniers, trois chauffeurs, deux charretiers et autres ; au préalable, ces gens avaient été largement abreuvés au cabaret, et l’homme en habit qui, dit-on, a payé la boisson, a disparu. Celui-ci, la magistrature de M. Crispi n’a pas su le retrouver. Elle tient Salvatore Gattei, l’ouvrier cordonnier qui a donné le coup mortel au député franc-maçon, et neuf autres ouvriers socialistes-révolutionnaires ; mais les excitateurs, l’autorité judiciaire n’a aucun souci de les connaître. Pourtant, il est un fait bien su, c’est que, pendant que Gattei et ses co-accusés se ruaient sur Luigi Ferrarri, celui-ci a été dépouillé de son portefeuille de documents ; ceci est avéré, acquis ; et ce portefeuille n’a été retrouvé chez aucun des coupables, qui ont été arrêtés.

Le crime a été commis à l’époque même de ma rupture définitive avec la Maçonnerie. Les accusés seront jugés par la cour d’assises de Forli ; on dit, dans le courant. C’est une comédie judiciaire qui va se jouer, puisque le forfait est transformé en crime politique des socialistes.

Mais j’appelle sur ceci : — S’il en était réellement ainsi, n’y aurait-il pas eu grand tapage dans la presse crispinienne ? Or, à peine quelques regrets plus ou moins académiques ont été formulés par journaux du parti maçonnique au pouvoir ; puis, silence complet, absolu, plus un mot au sujet de l’odieux crime ; un mot d’ordre a cir-