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lettre du 15 décembre 1644 adressée à Thomas Vaughan. Or, le chef de la révolte contre Charles Ier n’était pas « maçon accepté » à simple titre honorifique ; il était vraiment gagné en secret à la Rose-Croix socinienne.

En ce temps-là, Philalèthe avait demandé à être élevé au neuvième et dernier degré, Magus. Valentin Andreæ lui avait répondu : « Ce n’est ni de moi ni d’aucun parmi les plus parfaits d’entre nous que tu recevras la consécration de Mage, à laquelle tu aspires. Notre dieu a des vues particulières sur toi ; c’est lui-même qui te consacrera, il nous l’a dit. Invoque-le, appelle-le ; il t’enverra un prince des célestes lumières, qui t’enseignera comment tu dois te préparer à cette exceptionnelle consécration. »

Thomas Vaughan raconte ce qui se passa en cette circonstance.

« Six jours avant la mort de Laud, j’étais en prière, après avoir relu la lettre du souverain-maître de la Fraternité ; je demandais à notre dieu de m’envoyer le prince des célestes lumières, dont j’attendais humblement l’instruction.

« Je ne vis aucune apparition ; mais j’entendis une voix.

« — Un secret partisan du papisme, me dit cette voix, va recevoir bientôt le châtiment mérité ; notre dieu veut que ce soit ta main qui verse le sang de ce traître ; obtiens d’être l’exécuteur de la juste sentence. Tu recueilleras de ce sang maudit sur un linge consacré à l’éternel ennemi de notre dieu. Tu prépareras un pacte, selon ton inspiration. Au jour où le Christ fut conçu dans le sein de Marie, tu brûleras le linge ensanglanté, et tu appelleras l’éternel Seigneur Lucifer. Il viendra, il te consacrera lui-même ; il t’accordera alors ce que tu lui demanderas. »

« La voix se tut. J’avais compris mon devoir.

« J’eus du frère Richard Penkett une lettre pour le frère Olivier Cromwell. Au jour du châtiment de Laud, je fus, au dernier moment, substitué à l’exécuteur, la substitution étant ignorée de tous. L’homme eut un long regard sur moi, avant de poser la tête sur le billot. Je frappai, en disant en moi-même : « Ô divin Lucifer, sois satisfait ; ton fidèle serviteur immole le traitre. Bonne justice est faite. » Et j’ajoutai, quand la tête roula sur le sol : « Bona Lucifero justitia ! »

« Un frère m’avait procuré un de ces linges dont les prêtres papistes se servent pour recueillir les fragments de leur pain sacramentel et qui figurent, dans leur superstition, le linceul du Christ. J’humectai ce linge du sang de Laud, et je le conservai jusqu’au jour fixé.

« Ce jour là, ayant jeûné, je me mis en oraison pendant trois heures après le coucher du soleil. J’avais préparé le pacte et ma demande au