Page:Taxil, Mémoires d'une ex-palladiste parfaite, initiée, indépendante.djvu/253

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les représentants députés et sénateurs. Après cela, brusquement, une éclatante lumière l’enveloppe ; un éclat de foudre se fait entendre au loin ; l’assistance constate que l’éminent orateur qu’elle vient d’applaudir n’est plus là. Tous savent alors que c’est le véritable chef suprême de l’Ordre, ou l’un de ses esprits, qu’ils ont vu et entendu.

Ce qui était extraordinaire dans le cas du R. P. Jeandel, ce n’était donc pas la présence du démon au sein d’une réunion maçonnique ; c’était la présence même du saint religieux. Je l’avoue, je suis au nombre de ceux qui doutèrent : il me paraissait étonnant, tout-à-fait étonnant vraiment, qu’un Frère de la parfaite initiation se fût risqué à introduire en une telle assemblée un prêtre déterminé à prouver la puissance du signe de la Croix. Aujourd’hui, ayant la foi au seul vrai Dieu, je comprends pourquoi le R. P. Jeancel se montra si avare de confidences, après ce fait si grave, dont tous les témoins maçons ont dû être bouleversés les uns, irrités les autres ; il est de toute évidence que le secret s’imposait au saint religieux, sous peine de compromettre l’existence du Fr∴ qui lui avait servi d’introducteur : si celui-ci avait été découvert, il est certain qu’il aurait été assassiné.

Or, voici un fait qui est, à peu près, du même ordre, et qui m’est certifié par un R. P. Franciscain, mon correspondant.

Ceci s’est passé, il y a neuf ans, dans une grande ville du sud-ouest de France, en une Loge où l’on ne manque pas de sincérité, s’il faut en juger par de certaines apparences. Le Vénérable, qui était Chevalier Kadosch, avait parfois des allures de forcené, en dirigeant les travaux de l’Atelier ; au dehors, il était, au contraire, homme doux, placide, d’une douceur et d’une placidité bien en harmonie avec les paisibles fonctions qu’il tenait de l’administration municipale.

Un Fr∴, n’ayant pas encore effacé entièrement de son cœur les pieux souvenirs de son enfance, était effrayé de ces sortes d’accès de rage qui prenaient son Vénérable, lorsqu’il présidait la tenue. Les discours qu’il entendait l’épouvantaient quelque peu, par leur impiété qu’il jugeait trop violente. Cependant, il n’osait pas se retirer de la secte ; mais il était tourmenté en lui-même, sa conscience lui faisait entendre qu’il s’était fourvoyé dans une société diabolique.

Sans en rien dire à personne, il forma, un jour, un projet dont il avait eu l’inspiration spontanée, au retour d’une séance où le Vénérable avait été plus violent que jamais. Il se glissa d’abord dans une église de la ville, le soir, et puisa dans le bénitier un peu d’eau bénite, qu’il garda précieusement en un petit flacon ; puis, rentré chez lui, il en aspergea son cordon et son tablier de Maître, en disant : « Mon Dieu,