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MÉMOIRES d’une EX-PALLADISTE

chapitre 1er

Lucifer au Sanctum Regnum

(Suite)




Oui, j’ai été bien trompée par le surnaturel roi de l’imposture. Quand j’aurai exposé plus loin quelle éducation je reçus, on comprendra mieux que tout autre, dans les mêmes conditions, serait tombé dans le piège.

Il était là, Lucifer, exactement tel que je l’avais souhaité.

Je sens maintenant combien les desseins de Dieu sont insondables ; car le seul Très-Haut, mon Seigneur à jamais, avait permis que son immortel ennemi me parût bon et beau. Pourquoi cette licence accordée à Satan ? Ah ! sans doute, le Tout-Puissant voulait qu’un jour je pusse rendre témoignage à la vérité ; il fallait que je visse les bas-fonds terrestres de l’enfer. « Agis à ta guise, prince des damnés ; livre-toi à ton mensonge ; déploie et emploie toutes les subtiles ressources de ta perversité. Puisque les hommes ne viennent pas à la vérité, puisqu’ils dédaignent l’Église de Jésus-Christ, mon Divin Fils, eh bien, fonde à ton aise et organise ton église, ton culte, ô Satan. Mais, du moins, j’aurai mon heure, et des voix sortiront des profondeurs même de ton abîme pour dire au monde ce que tu es. »

Pour montrer la grandeur du salut, Dieu livra autrefois Job à Satan, sous la réserve qu’il ne pourrait attenter à la vie du saint homme. Dans un autre but, Dieu a permis les circonstances auxquelles je dois un long aveuglement, et, en son infinie bonté, me couvrant d’une protection toute paternelle, il préserva ce qui est plus précieux que la vie. Comment ne me dirai-je pas votre fille, ô mon Dieu, quand votre grâce tutélaire a agi pour moi en manifestation d’amour du meilleur des pères ?…

Il était là, l’Autre, le Très-Bas. Son regard me couvait : je croyais voir dans ses yeux une expression de tendresse… Ah ! non, Satan, tu ne connais de l’avenir que ce que Dieu, ton maître, veut bien t’en laisser savoir ; car, si tu avais deviné que je ne devais pas être toujours à toi, tu ne m’aurais pas regardée, contemplée ainsi.

D’abord, j’avais été embarrassée, confondue ; je tremblais, non de