Page:Taxil, Mémoires d'une ex-palladiste parfaite, initiée, indépendante.djvu/330

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lui comme avec un de ces roitelets ou de ces principicules, sur lesquels nous n’aurons qu’à souffler pour les faire disparaître.

« Il y a peu de chose à faire avec les vieux cardinaux ou avec les prélats dont le caractère est bien décidé. Il faut les laisser incorrigibles à l’école de Consalvi, ou puiser dans nos entrepôts de popularité ou d’impopularité les armes qui rendront inutile ou ridicule le pouvoir entre leurs mains. Un mot qu’on invente habilement et qu’on a l’art de répandre dans certaines honnêtes familles choisies, pour que de là il descende dans les cafés et des cafés dans la rue, un mot peut quelquefois tuer un homme. Si un prélat arrive de Rome pour exercer quelque fonction publique au fond des provinces, connaissez aussitôt son caractère, ses antécédents, ses qualités, ses défauts surtout. Est-il d’avance un ennemi déclaré ? un Albani, un Pallota, un Berneth, un della Genga, un Rivalora ? Enveloppez-le de tous les pièges que vous pourrez tendre sous ses pas ; créez-lui une de ces réputations qui effraient les petits enfants et les vieilles femmes ; peignez-le cruel et sanguinaire ; racontez quelque trait de cruauté qui puisse facilement se graver dans la mémoire du peuple. Quand les journaux étrangers recueilleront par nous ces récits, qu’ils embelliront à leur tour inévitablement par respect pour la vérité, montrez ou plutôt faites montrer par quelque respectable imbécile ces feuilles où sont relatés les noms et les excès arrangés des personnages. Comme la France et l’Angleterre, l’Italie ne manquera jamais de ces plumes qui savent se tailler dans des mensonges utiles à la bonne cause. Avec un journal dont il ne comprend pas la langue, mais où il verra le nom de son délégat ou de son juge, le peuple n’a pas besoin d’autres preuves. Il est dans l’enfance du Libéralisme, il croit aux Libéraux, comme plus tard il croira en nous ne savons trop quoi.

« Écrasez l’ennemi quel qu’il soit, écrasez le puissant à force de médisances ou de calomnies ; mais surtout écrasez-le dans l’œuf. C’est à la jeunesse qu’il faut aller ; c’est elle qu’il faut séduire, elle que nous devons entraîner, sans qu’elle s’en doute, sous le drapeau des Sociétés secrètes. Pour avancer à pas comptés, mais sûrs, dans cette vote périlleuse, deux choses sont nécessaires de toute nécessité ; vous devez avoir l’air d’être simples comme des colombes, mais vous serez prudents comme le serpent. Vos pères, vos enfants, vos femmes elles-mêmes, doivent toujours ignorer le secret que vous portez dans votre sein, et s’il vous plaisait, pour mieux tromper l’œil inquisitorial, d’aller souvent à confesse, vous êtes comme de droit autorisés à garder le plus absolu silence sur ces choses. Vous savez que la moindre révélation, que le plus petit indice, échappé au Tribunal de la pénitence ou ailleurs, peut entraîner de grandes calamités, et que c’est son arrêt de mort que signe ainsi le révélateur volontaire ou involontaire.

Or donc, pour nous assurer un Pape dans les proportions exigées, il s’agit d’abord de lui façonner, à ce Pape, une génération digne du règne que nous rêvons. Laissez de côté la vieillesse et l’âge mûr ; allez à la jeunesse, et, si c’est possible, jusqu’à l’enfance. N’ayez jamais pour elle un mot empiété ou d’impureté ; maxima debetur puero reverentia. N’oubliez jamais ces paroles du poète : car elles vous serviront de sauvegarde contre les licences dont il importe essentiellement de