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indirecte, aux histoires diaboliques antimaçonniques, je pense que vous comprendrez aisément que je ne commandite personne et que je ne suis associé avec personne dans un pareil but.

La lettre s’arrête là dans le journal prussien ; son destinataire n’y a inséré ni salutations ni signature. Ce rédacteur en chef et le docteur parisien sont totalement étrangers l’un à l’autre ! ils ne se connaissent pas, ils ne se sont jamais vus !

Cette lettre a été publiée dans le numéro du 16 octobre de Volkszeitung. La gazette de Cologne était à tel point certaine de la recevoir, que des clichés d’illustration, dessinés à nouveau d’après des gravures du Diable au XIXe Siècle, étaient prêts et ont paru tout auprès de la lettre du docteur, pour mieux la mettre en relief.

Voici encore ce qu’il importe de faire remarquer : — La Volkszeitung avait imprimé le 13 octobre que le docteur Bataille était associé aux éditeurs de mes Mémoires, qu’il était bailleur de fonds des librairies de propagande antimaçonnique. Où le journal prussien avait-il pris cette belle histoire-là ? Il ne le dit pas : je vais le dire. Cette mensongère assertion avait paru dans la Revue Maçonnique du F∴ Dumonchel, quelques semaines avant les premières négociations du Grand Orient de France avec le docteur Bataille ; alors, peut-être, n’osait-on pas encore espérer que le malheureux se vendrait si facilement. Et peut-être aussi n’aurait-il pas eu cette lamentable chute sans l’incident du rejet unanime de son rapport dans l’affaire Couédon, rejet qui blessa son orgueil. Ne serait-ce pas l’orgueil qui a été la principale cause de la perte de l’infortuné docteur ?… Quoi qu’il en soit, voilà le journal prussien bien convaincu d’avoir puisé, pour me nuire, à la source maçonnique. D’autre part, puisque le voyage du docteur Bataille à Cologne ne peut être nié, la Volkszeitung n’a pu ignorer que ce fait de l’association de mes éditeurs n’était pas vrai. On l’a donc inséré, le sachant faux, afin de fournir au docteur un prétexte de plus pour répondre ; on dissimulait mieux la connivence ainsi ; on lui offrait en même temps le moyen de traiter avec mépris ma campagne antimaçonnique, comme si elle était une exploitation commerciale et jusqu’à une escroquerie. Les journaux hostiles, interprétant les déclarations du docteur Bataille au gré de leur haine, ont été jusqu’à dire que les souscriptions ouvertes ici constituaient une escroquerie !

Mais, si une partie de la presse, prenant à son compte et amplifiant encore les mensonges de la Volkszeitung, a montré jusqu’à ce jour un acharnement invraisemblable, j’ai eu la joie de douces consolations.

Le journal prussien, qui s’est prêté à la suprême manœuvre de la secte, a publié le 13 octobre son numéro de l’odieux article et le 16 son numéro contenant la lettre du docteur Bataille, et le directeur envoyait partout à profusion ces numéros pleins de noires calomnies ; les exemplaires furent expédiés, oui, partout où on pensait me nuire.

Et voici la lettre que m’écrivait, le 19 octobre, Mgr Villard, secrétaire de l’Éminentissime Cardinal-Vicaire :

Rome, le 19 octobre 1896.
Mademoiselle.

Depuis longtemps, j’avais l’intention de vous écrire personnellement ; mais j’en ai toujours été retenu par la crainte de me trouver importun et par le désir que