Page:Taxil, Mémoires d'une ex-palladiste parfaite, initiée, indépendante.djvu/533

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cas de départ, faites suivre. » Vous voyez, Mademoiselle, que vous avez à vous défier des indiscrétions de la poste. L’intérêt réel que vous m’inspirez m’engage à attirer votre attention sur ce point important.

« Le rôle magnifique que vous avez joué dans l’affaire Barbe Bilger m’était connu. Je me suis beaucoup occupé de cette pauvre fille. M. l’abbé Mustel, qui, comme tout mortel et comme moi le premier, a ses qualités et ses défauts, avait été fort imprudent. Il avait imprimé en toutes lettres, dans sa Revue, que Barbe était dans un couvent de l’Est ! Dès que je lus son article, je fus effrayé pour cette malheureuse et j’écrivis aussitôt à mon ami Charles (dont vous trouverez une lettre ci jointe). Je demandai à Charles si je ne pourrais pas éventer la piste en donnant à entendre que Barbe était à Reims, sans le dire expressément néanmoins. Charles m’approuva, et je publiai dans la Croix de Reims un article qui induisit en erreur Moïse P. R. et avec lui son amie Sophia. Vous voyez que ma tactique réussit à merveille, puisque Moïse et Sophia vinrent ici battre le pavé. Moïse fut accueilli avec défiance ; il se présentait partout sous le prétexte de demander des fonds et recueillir des souscriptions pour publier un ouvrage sur les Kadosch-Kadoschim, qu’il prétend être des adorateurs de votre Dieu-Bon. (J’emploie cette expression, Mademoiselle, parce que j’espère qu’elle ne vous sera pas désagréable. J’ai une trop haute idée de votre caractère pour ne pas être assuré que vous apprécierez le soin que je mets à éviter de blesser vos croyances.) Il rendit visite à S. E. le Cardinal Langénieux, à M. l’abbé Landrieux, aux vicaires généraux, à deux prêtres rédacteurs de la Croix de Reims. Chose singulière : bien que la plupart de ces messieurs l’aient déjà vu souvent, il ne lui inspira jamais autant de défiance ; ce qui explique très bien la réserve qu’il fut forcé de garder et dont enragea sa compagne de voyage, cette pauvre Sophia. En démasquant les dernières machinations de Sophia, je démasquerai aussi P. R. et je porterai à l’un et à l’autre un coup bien fort. Mais je n’agirai qu’à bon escient, quand j’aurai achevé de réunir tous les chaînons de la trame.

« Au moment où j’ai reçu votre lettre, j’étais occupé à réviser 1893 de mon manuscrit, et j’écrivais précisément quelques réflexions sur Maréville. Vous m’avez confirmé ce que je soupçonnais.

« J’ai vécu, depuis l’âge de seize ans, dans le Monde de la presse, et j’ai acquis une expérience bien supérieure à celle que possèdent généralement les hommes de mon âge. La mort du vénéré comte de Chambord a brisé ma carrière de journaliste militant. Peu de temps après, je suis entré en retraite, et, laissant de côté une politique désormais sans intérêt pour moi, j’ai mis à profit mes loisirs pour me livrer, comme je crois vous l’avoir dit, Mademoiselle, à diverses sortes d’études. »

(Ici, M. de la Rive me démontre qu’il sait à quoi s’en tenir sûr le Frère B***, grand-maitre du Triangle Saint-Jacques, à l’époque de mon initiation de Maitresse Templière. J’ai dit pourquoi je laisse en paix la mémoire de cet homme, qui fut mon ennemi. Je supprime donc ce passage de la lettre.)

« B*** est mort trop tôt ; il eût été l’un des dignes lieutenants de Simon, sous tous les rapports.

« Je vous envoie aussi une épreuve du cliché d’Esnault.

« J’aurais voulu vous voir absolument en pied ; les éditeurs sont tous les mêmes, ils ne veulent faire que des économies. Encore n’ai-je pas trop le droit de me plaindre ; M, Delhomme est plus large que je ne le supposais au début de nos relations. Mon volume va dépasser 500 pages, et il ne se plaint pas.

« Vous trouverez aussi sous ce pli le portrait de Dona Maria de Bourbon. Vous êtes certainement mieux traitée encore que cette princesse. J’aurais désiré encore davantage. Il est vrai que le tirage définitif sera meilleur. Mes amis estiment qu’Esnault vous a parfaitement réussie, mais je préfère de beaucoup votre photographie. Ils sont plus à même de juger, puisqu’ils ont l’honneur de vous connaître de visu.