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Il fallait lire mon récit jusqu’à la fin ; car j’ai dit, en toute loyauté, ce que je suis certaine de n’avoir pas vu. J’ai expliqué où l’illusion commence, dans de telles œuvres démoniaques. Mais cette illusion est bien due au diable, non à ce que M. Le Chartier appelle entraînement, surexcitation.

Pourquoi ai-je donné l’emploi et le régime des trois journées qui précédèrent ma présentation à Lucifer ? — Parce que, en matière aussi grave, je me fais scrupule de dire tout ce qui est nécessaire à la manifestation de la vérité ; parce que, en tête de mes Mémoires, j’ai inscrit pour épigraphe : « Ceci est une œuvre de bonne foi ».

Or, la loyauté appelle la loyauté. Alors : il ne faut pas me faire dire plus que je n’ai dit ; il ne faut pas non plus assimiler à du haschisch une infusion de chènevis.

Privation de nourriture ; l’expression est inexacte. Combien d’ordres religieux, dans lesquels on ne fait qu’un seul repas par jour, et cela durant l’année entière ? Nullement hallucinés, les membres de ces ordres, mais vraiment sains de corps et d’esprit.

Pendant deux jours ne faire qu’un repas léger, éviter de se surcharger l’estomac, cela n’est point s’exténuer, même si pour un troisième jour on ne recourt qu’à une boisson, — laquelle, dans le cas cité, est un fortifiant. — Excellente acuité des sens, perception très nette par un cerveau libre, esprit bien dégagé ; voilà le résultat de ce régime, attendu qu’il s’agit d’une préparation de trois jours seulement.

Oui, il est des charlatans du magisme qui recourent à de coupables pratiques pour procurer eux-mêmes à leurs victimes de véritables hallucinations. Je renvoie M. Le Chartier à leurs livres. S’agit-il de l’évocation d’une personne tendrement aimée, la préparation dans l’isolement est de quatorze jours au minimum ; vingt-un jours pour nourrir sa pensée dans l’attente de l’apparition d’un personnage célèbre, et ces vingt-un jours au régime strictement végétal, avec jeûne sévère pendant les sept derniers.

On reconnaîtra qu’aucune assimilation n’est possible entre cela et le régime que j’ai rapporté.

Quant au haschisch, ah ! oui, parlons-en. Le chanvre dont le chènevis est la graine, est en effet une des bases du haschisch ; mais où le haschisch est-il fabriqué avec du chènevis ?… C’est la résine du chanvre que l’on extrait de la plante même, et non de la graine ; cette résine, qui suintait de l’épiderme du chanvre et s’était accumulée à la surface, une fois obtenue par râclement de la plante ou par d’autres procédés, on la mêle alors à de l’opium, à de la cannelle, à du musc et à de l’essence