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Page:Taxil, Mémoires d'une ex-palladiste parfaite, initiée, indépendante.djvu/69

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une extrême loquacité ; il a déjà des visions, mais elles sont très animées. Puis, seconde période, ses yeux s’éteignent, il s’engourdit et les illusions prennent une forme douce, voluptueuse. Voilà ce qui est rapporté par tous les auteurs qui ont étudié en Asie les amateurs de haschisch et autres fous s’adonnant à l’ivresse opiacée.

Rien de semblable dans mon fait du 8 avril 1889 ; tout le contraire, même. Qu’on relise mes précédentes pages. Sous l’influence d’une infusion possédant les propriétés du haschisch, j’aurais été dans la plus grande agitation pendant mes premières heures au Sanctum Regnum ; relisez, relisez ces impressions, vivaces dans ma mémoire, que j’ai transcrites sans recherche, comme si elles étaient d’hier.

Dans le genre d’hallucination auquel on voudrait faire croire, nul souvenir précis. L’amateur retourne à son haschisch, parce qu’il sait qu’il lui donne en songe plus ou moins mouvementé les éblouissements de la richesse et des grandeurs et les coupables plaisirs où s’abrutissent les seigneurs et maîtres asiatiques ; mais il lui est impossible à son réveil de reconstituer en sa pensée le détail de ses illusions, contrairement à ce qui a lieu le plus souvent après un songe de sommeil naturel.

La vérité est donc bien ce que j’ai écrit : aucun sommeil, aucun état de rêve pour moi ; apparition très réelle de Lucifer, mais apparition suivie bientôt de possession, au cours de laquelle le suprême imposteur s’est joué de moi en me procurant cette illusion spéciale qui est l’illusion diabolique surnaturelle, et qui n’a rien à voir avec l’hallucination naturelle pathologique.

La meilleure preuve de l’erreur de M. Le Chartier est dans le numéro 2 du {{corr|Palladium|Palladium} ; ce numéro de la revue luciférienne, ainsi que les autres, a été mis à la disposition de mes abonnés ecclésiastiques, et l’on ne saurait prétendre qu’il a été imprimé pour les besoins de la cause. On y lit le récit de mes deux premières apparitions d’Asmodée, alors que j’avais seize ans, c’est-à-dire neuf ans avant que se manifesta à moi le prince des démons : aucun régime spécial, aucune préparation ; ni cette première fois ni la deuxième, je n’attendais Asmodée et ne savais pas même qui il était. Ces deux faits antérieurs renversent donc aussi le système de M. Le Chartier. Et j’en pourrais citer encore plusieurs autres !…

J’ai dit que j’attendais cette objection. Dès le lendemain de ma conversion, une feuille maçonnique de Paris a essayé de me faire passer pour folle. « Cette femme n’est qu’une hallucinée ! » habile mot d’ordre pour ôter d’avance tout crédit à ce qu’on sait que je peux dire. Mais je ne m’attendais pas à voir M. Le Chartier, qui est catholique,