Page:Taxil, Mémoires d'une ex-palladiste parfaite, initiée, indépendante.djvu/78

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Les complies étaient terminées ; tes religieuses priaient ou lisaient dans leurs cellules, en attendant l’heure du dernier office du jour ; m’amie de ma parente m’ouvrit et me conduisit aussitôt à ma chambrette de pensionnaire.

On pense si la chère supérieure avait hâte de me voir. Vivante ! j’étais vivante ! elle n’en revenait pas. Comment un tel trajet avait-il été possible, sans accident ? — Avec un peu d’habileté, lui répondis-je, et surtout avec la protection du bon Dieu.

Puis, ce fut la visite de M. l’aumônier, à qui je fus présentée cette fois sous mon vrai nom. Il avait tenu à rester là jusqu’à mon arrivée ; ensuite, il prendrait congé de nous.

Il m’assura que, vraiment, je n’avais pas été remarquée, lors de mon premier séjour, en juin ; lui-même, il n’avait aucun souvenir de ma physionomie.

Je lui demandai immédiatement s’il pourrait me rendre un service. Tandis que je demeurerais au couvent, si j’avais une lettre importante à faire partir, voudrait-il bien avoir l’obligeance de s’imposer un petit dérangement ? — Il accepta de bonne grâce. — Le dérangement consistait à prendre le train, pour jeter ma lettre à la boîte postale de la gare, à une station voisine, où passe une grande ligne. La lettre porte ainsi un timbrage d’ambulant, et non un timbrage de telle ou telle ville.

Aucun inconvénient pour moi à faire connaître ce procédé de transmission de correspondance ; l’indication du procédé lui-même ne peut mettre sur nulle piste.

La lettre, expédiée en premier lieu comme il vient d’être dit, se compose ainsi : 1° la lettre elle-même, mise sous une enveloppe qui porte l’adresse de la personne à qui j’écris ; cette enveloppe est sous une deuxième, opaque, dont la suscription est l’adresse conventionnelle de la personne à qui Bridget transmettra ; 3° enfin, une seconde enveloppe supplémentaire, celle-ci portant les initiales sous lesquelles Bridget retirera le pli, en poste restante, dans la ville intermédiaire où elle attend mon retour.

Bridget reçoit donc la lettre, sans qu’au bureau de poste on sache qui elle est ; elle-même ne sait pas exactement d’où la lettre vient, puisqu’elle porte, non un timbrage de ville, mais un timbrage d’ambulant, et qu’en outre la station de départ n’est pas celle de la localité où je suis. Au surplus, Bridget ignore à qui j’écris, et il en est de même de la personne qui s’est chargée de faire la première expédition, en jetant à la boîte de gare.

Dépouillant le pli de sa première enveloppe extérieure, Bridget n’a qu’à la jeter à la boîte d’un bureau de la ville où elle est. Le pli arrive