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Cette fois, mon songe était fini. Il ne fut suivi d’aucun cauchemar persécuteur ; et, depuis lors, jusqu’à ce jour où j’écris, mes nuits ont été d’un calme parfait. Suis-je délivrée définitivement de ces affreuses et diaboliques obsessions ? Je veux l’espérer, et, pour ce, je me recommande encore aux prières de mes nouveaux amis. Mais si Dieu permet que je souffre encore, que sa sainte volonté soit faite !… Qu’importent les tourments, puisque j’ai la foi.

Nuit bénie, heureux réveil. Enfin, j’avais cette entière foi tant désirée, tant demandée ; enfin, sans restriction, je pouvais dire : Je crois !

Les derniers nuages étaient dissipés. Gloire à Dieu !… Inutile, ma consultation ; mon exposé de doutes n’était plus bon qu’à être déchiré, je dois les dire, pourtant, ces doutes ; maintenant, il n’y a plus à craindre d’ébranler la croyance des fidèles qui me lisent.

Ma première difficulté était au sujet du mystère de la Très-Sainte Trinité. Trois Dieux, trois personnes diverses, ne formant qu’un seul et même Dieu, je voulais bien le croire, mais je ne le pouvais pas ; Satan agissait encore. Or, en ceci, c’est par son imposture même que Satan a été vaincu. Dieu a permis ma première croyance aux dogmes du Palladisme, afin qu’aujourd’hui ma foi en la divine Trinité-Une soit plus ferme, plus puissante, plus inébranlable peut-être que si j’avais été chrétienne dès ma naissance.

En effet, le système de la divinité double n’admet pas l’ubiquité, attendu qu’il présente ses deux éternels principes comme adversaires et se combattant à outrance. L’erreur, c’est l’existence de deux dieux contraires ; mais il est évident que, lorsqu’on est dans cette erreur, ne peut pas admettre que chacun de ces dieux contraires ait la jouissance complète et absolue de l’immensité infinie, soit à la fois partout, remplisse l’univers de lui-même ; c’est la logique dans l’erreur. Il faut, raisonnablement, avec ce système, refuser à chacun des deux éternels principes cette ubiquité, qui est, par contre, toute naturelle, toute aisée à comprendre dans la thèse d’un Dieu unique.

Dès le premier instant de ma conversion, j’ai rejeté la base fondamentale du Palladisme. Non, Lucifer n’est pas Dieu, me suis-je dit : Lucifer est l’archange déchu, Lucifer n’est que Satan. Je n’osais aller plus loin sur ce terrain du fait de la divinité unique. Je comprenais Dieu le Père, je comprenais Dieu le fils, je comprenais Dieu le Saint-Esprit ; mais j’étais : déroutée par cette affirmation du catéchisme : « Chacune des trois personnes est Dieu, et néanmoins seul Dieu ».