saient les vieilles barbes des Vénérables titulaire, honoraires, in partibus et ad vitam).
Lors, ayant obtenu la parole, je dis au profane Féau :
« — Monsieur, vous êtes anti-clérical avant tout, c’est très bien ; et vous n’avez d’autre patrie que l’Humanité, c’est parfait ; je vous en félicite. Or donc, je suppose ceci : au lieu d’être sous la République républicaine de M. Grévy, nous sommes retombés sous un Mac-Mahonat que notre illustre Frère Gambetta qualifie de nouveau de « gouvernement des curés » ; d’autre part, l’Italie libérale se met en République et expulse le Pape et les cardinaux de Rome ; une guerre éclate entre la France et l’Italie à ce propos, c’est-à-dire entre la République favorable aux prêtres et la République anti-cléricale. Il vous faut prendre les armes. Avec qui combattrez-vous ? avec l’Italie ou avec la France ? »
Jamais le lecteur ne pourra concevoir dans son imagination l’effet produit par cette question inattendue[1].
D’abord, la stupéfaction fut générale.
Quelle audace ! Venir ainsi refroidir les enthousiasmes et troubler l’aimable petite fête !
Puis, les partisans du récipiendaire protestèrent avec éclat. « La question était déplacée, le profane ne devait pas répondre. » Le F∴ Hubert, Vénérable d’honneur ad vitam, agitait en l’air ses mains tremblantes et prenait le Grand Architecte de l’Univers à témoin de ce que, depuis quarante-trois ans qu’il était dans la Maçonnerie, il n’avait jamais entendu poser question pareille !
- ↑ Il est bon de dire ici que ma Loge contenait dans son sein un assez grand nombre d’officiers et sous-officiers de l’armée. Ces braves gens, que l’on avait enrôlés sous les ordres du Grand-Orient par des manœuvres dont le détail sera donné plus loin, étaient profondément patriotes, tout en étant anti-cléricaux ; ce fut eux surtout que ma question troubla ; les autres ne furent qu’irrités.