objection : « Monsieur, qu’auriez-vous fait si vous vous étiez trouvé sur le radeau de la Méduse ? » — « Monsieur. Croyez-vous que la lune soit habitée ? et, si vous la croyez habitée, quelle religion pensez-vous qu’on y pratique ? » — « Monsieur, les coups de canif vous paraissent-ils hygiéniques pour un homme d’un tempérament enclin à l’apoplexie ? » — « Monsieur, une charcutière de cette ville a mis hier au monde deux jumeaux du sexe masculin, l’un blond, l’autre brun, et étroitement attachés l’un à l’autre par un fort boyau, comme les frères siamois dont vous avez sans doute entendu parler ; le brun a deux cœurs et pas de foie, le blond a deux foies et pas de cœur ; quel est celui de ces deux jumeaux chez lequel réside l’âme son frère ? »
« oui » sans hésiter ; on lui dit de la tirer et il la tire de toutes
ses forces ; on ne lui coupe pas la langue, mais on la lui pince
avec un de ces instruments composés de deux morceaux de bois
pressés l’un contre l’autre par un très fort ressort, et dont les
blanchisseuses lorsqu’elles étendent leur linge, se servent, au
lieu d’épingles, pour le retenir sur les cordes ; cette épreuve est très douloureuse, le Profane en a pour un quart d’heure à ne
pas pouvoir parler.
Enfin, pour montrer au public à quel point les sectateurs du
Grand Architecte poussent la manie de la mystification symbolique, voici une répugnante épreuve, extra-réglementaire, qui se
pratique dans de nombreuses Loges en province ; elle a censément pour but de représenter au néophyte les déceptions de l’existence ; on l’appelle l’épreuve de la Chèvre de Salomon. Le Vénérable dit gravement au récipiendaire, à qui l’on a eu soin de
ne jouer jusqu’alors aucun méchant tour : « Monsieur, nous
possédons la chèvre qui a servi de nourrice au roi Salomon,
cette chèvre, par un bienfait aussi miraculeux que providentiel, est encore vivante, et les Maçons s’abreuvent avec délices
de son lait ; il leur rappelle, en effet, un grand monarque dont
l’histoire est mêlée à celle de la fondation de la Franc-Maçonnerie. Vous allez vous agenouiller bien bas et vous aurez l’honneur de téter à l’une des mamelles sacrées de la chèvre de
Salomon. » Le Profane, sans méfiance, se met dans la position
voulue ; et, au moment où il ouvre la bouche, croyant qu’on va
lui présenter une mamelle de chèvre convenablement appropriée,
on lui applique les lèvres au derrière crotté d’un sale bouc.