Page:Taxil - Confessions d'un ex-libre-penseur - 1887 - Letouzey et Ané - 6e édition.djvu/71

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Tandis qu’autour de moi domine l’allégresse,
Que j’entends retentir cris de joie et d’amour,
Tandis qu’on est heureux, je suis dans la tristesse,
Et je trouve à me plaindre au sein du plus beau jour.

Pour tous, le firmament est d’un bleu sans nuage,
Pour tous, le soleil brille, et je suis dans la nuit ;
Aux autres, le ciel pur, et pour moi seul, l’orage,
Et le temps, lourd pour moi, bien lentement s’enfuit.

C’est que ma place est vide au banquet de famille,
Où naguère on me vit joyeux et triomphant ;
C’est que dans tous les yeux un doux plaisir scintille :
Seule, ma mère est triste ; il lui manque un enfant.

Que je suis affligé ! que grande est ma misère !
Combien je suis ici délaissé, malheureux !
Ô Dieu, qui que tu sois, fais que ta foi m’éclaire
Et que mon cœur glacé s’embrase de tes feux !


Ces quelques feuillets, extraits de mes notes de prisonnier, donneront, je l’espère, une idée exacte de l’état de mon âme.

En relisant ces pages, empreintes tour à tour de fureur, d’amour filial, de tristesse et de vagues tendances à un retour vers Dieu, je me dis parfois : qui sait si, dans le cas où mes parents eussent répondu à ma révolte, non par des mesures de rigueur, mais au contraire par un redoublement de tendresse, qui sait si je ne serais pas revenu promptement à la vérité et au bien ?

Hélas ! les conseils que l’associé de mon