Page:Tchékhov - Salle 6, trad Roche, 1922.djvu/19

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mettre sur la tête des compresses froides avec des gouttes de laurier-cerise, hocha la tête tristement, et sortit en disant à la logeuse qu’il ne reviendrait plus parce qu’il ne faut pas gêner les gens en train de perdre l’esprit. Ivan Dmîtritch n’avait pas d’argent : on l’envoya bientôt à l’hôpital, où on le mit dans la salle des vénériens. Il ne dormait pas les nuits, avait des lubies et dérangeait les malades ; sur l’ordre du docteur on ne tarda pas à le transférer à la salle 6.

Au bout d’un an, on avait, en ville, complètement oublié Ivan Dmîtritch. Et ses livres que sa propriétaire avait entassés dans un traîneau, sous un hangar, avaient été pillés un à un par les gamins.


IV

Le voisin de gauche d’Ivan Dmîtritch était, comme je l’ai dit, le juif Moïseïka. Son voisin de droite était un moujik, noyé de graisse, presque sphérique, au visage hébété et stupide. C’était une brute inerte, vorace et sale, ayant perdu depuis longtemps déjà toute faculté de penser et d’éprouver la moindre sensation. Il sortait de lui une pestilence continuelle, suffocante et aiguë.