Page:Tchékhov - Salle 6, trad Roche, 1922.djvu/193

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

de l’hôtelier et mon compagnon de hasard me suivit.

En ouvrant le cadenas de ma porte il me fallait, bon gré mal gré, voir chaque fois un tableau appendu au chambranle de la porte, exactement à ma hauteur. Ce tableau s’appelait : la Méditation de la mort ; il représentait un moine à genoux devant un cercueil, au fond duquel était couché un squelette. Derrière le moine était debout un autre squelette, un peu plus grand et armé d’une faulx.

– Il n’y a pas d’os comme ceux-ci, me dit mon compagnon, montrant l’endroit du squelette où aurait dû être le pubis. En général, voyez-vous, la nourriture intellectuelle que l’on donne au peuple n’est pas de première qualité, ajouta-t-il, expulsant par le nez un triste et long soupir, destiné à me faire connaître que j’avais affaire à un homme expert en nourriture intellectuelle.

Tandis que je cherchais des allumettes et que j’allumais, il soupira de nouveau et dit :

– À Khârkov, je suis allé quelquefois à l’amphithéâtre anatomique et j’y ai vu des os. Je suis allé aussi à la morgue… Je ne vous dérange pas trop ?

Ma chambre était petite et resserrée, sans table ni chaises, toute occupée par le poêle, par une commode sous la fenêtre et par deux méchants canapés de bois, appuyés aux murs l’un en face de l’autre,