Page:Tchékhov - Salle 6, trad Roche, 1922.djvu/197

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grugent les moines on les prie de partir. Jugez-en vous-même ! Si on permettait aux prolétaires de vivre ici aussi longtemps qu’il leur plairait, il ne demeurerait certes pas une chambre libre et ils auraient vite dévoré le monastère. C’est vrai ! Mais pour moi les moines font exception, et j’espère qu’ils ne me renverront pas trop vite. Voyez-vous, je suis un nouveau converti.

– Ah !… C’est-à-dire ?

– Je suis un Israélite baptisé… Il n’y a pas longtemps que j’ai embrassé l’orthodoxie…

Je comprenais maintenant ce que je n’avais pas su reconnaître plus tôt dans sa physionomie : ses grosses lèvres, sa manière en parlant de relever le coin droit de sa bouche et le sourcil droit, et cet éclat huileux et spécial des yeux qui n’existe que chez les sémites. Et je compris son « je vous en proposerais » et son « y goûter ».

Dans la suite de la conversation, j’appris qu’on le nommait Alexandre Ivânytch, mais qu’il s’appelait auparavant Isaac, qu’il était originaire du gouvernement de Moguîlov, et qu’il était arrivé à Sviatogorsk venant de Novotcherkâssk, où il avait reçu la foi orthodoxe.

Alexandre Ivânytch, étant venu à bout du saucisson, se leva, et, haussant le sourcil, se mit à prier devant l’Image. Son sourcil était encore levé quand il se rassit sur le canapé et se mit à