Page:Tchékhov - Salle 6, trad Roche, 1922.djvu/207

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longue mèche disgracieuse. Le jour commençait à poindre. On distinguait déjà, à travers la petite fenêtre bleuissante et triste, les deux rives du Donéts et des bouquets de chênes au delà du fleuve. Il fallait se décider à dormir.

– La journée de demain sera fort intéressante, dit mon compagnon quand j’eus éteint la chandelle et me fus couché. Après la première messe, il y aura une procession en canots du monastère à l’ermitage.

Le sourcil droit levé, la tête penchée sur le côté, il se mit en prières devant l’Image, puis, sans se déshabiller, il s’étendit sur son canapé.

– Oui ! soupira-t-il en se tournant sur le côté.

– Quoi, oui ? lui demandai-je.

– Quand j’embrassai l’orthodoxie à Novotcherkâssk, ma maman me cherchait à Rostov. Elle sentait que j’allais changer de foi.

Il soupira et ajouta :

– Il y a déjà six ans que je ne suis pas allé là-bas au gouvernement de Moguîlov. Ma sœur doit s’être mariée.

Il se tut quelque temps, puis, voyant que je ne dormais pas, il se mit à dire doucement que, grâce à Dieu, on lui donnerait bientôt une place et qu’il aurait enfin une situation fixe, son coin à lui et sa nourriture assurée.

Et moi, m’assoupissant, je songeais que cet