Page:Tchékhov - Salle 6, trad Roche, 1922.djvu/24

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de mettre des faux cols empesés raide, et il portait des chemises souples, de toile ou d’indienne. Au reste, il ne s’habillait pas comme un docteur. Il portait dix ans le même costume, et, quand il en achetait un neuf chez quelque juif, ce vêtement paraissait tout de suite aussi porté et aussi fripé que l’ancien. Il consultait ses malades, prenait ses repas et faisait ses visites avec la même et unique redingote. Il en agissait ainsi non par avarice, mais par complète insouciance de sa tenue.

À son arrivée en ville pour entrer en fonctions, André Efîmytch trouva « l’établissement de charité » dans une situation déplorable. Dans les salles, dans les corridors et jusque dans la cour de l’hôpital, il était difficile de respirer, tant cela infectait. Les garçons de l’hôpital, les infirmiers et leurs enfants couchaient dans les salles, pêle-mêle avec les malades. On se plaignait que les blattes, les punaises et les souris rendissent la vie intenable. Dans les salles de chirurgie, on ne pouvait pas se débarrasser de l’érysipèle. Il n’y avait dans tout l’hôpital que deux scalpels, et pas un thermomètre. On mettait les pommes de terre dans les baignoires. Le surveillant, la lingère et l’aide-chirurgien volaient. On racontait que le prédécesseur d’André Efîmytch vendait en secret l’alcool de l’hôpital et qu’il s’était fait parmi les infirmières et les malades un véritable harem. En ville, on