Page:Tchékhov - Salle 6, trad Roche, 1922.djvu/26

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en terreau. Il n’est ici-bas rien de si parfait qu’on n’y trouve à l’origine une malpropreté.

André Efîmytch parut donc accepter le désordre avec assez d’indifférence. Il demanda seulement aux employés de l’hôpital et aux infirmières de ne pas coucher dans les salles, et fit faire deux armoires pour les instruments. L’intendant, la lingère, l’aide-chirurgien et l’érysipèle demeurèrent en place.

André Efîmytch aimait par-dessus tout l’intelligence et l’honnêteté, mais il n’avait pas assez de caractère et de confiance dans le droit pour instaurer autour de lui une vie intelligente et honnête. Ordonner, refuser, contraindre, il ne le savait positivement pas. On eût dit qu’il avait fait vœu de ne jamais élever la voix et de ne jamais employer le mode impératif. Il lui était difficile de dire : « Donne » ou : « Porte » ; quand il voulait manger, il disait à sa cuisinière, toussotant d’un air indécis : « Si l’on me donnait du thé », « Si je dînais » ? Dire au surveillant de l’hôpital de cesser de voler, le chasser, ou supprimer sa fonction d’une inutilité parasitaire, c’était entièrement au-dessus de ses forces. Quand on le flagornait, qu’on lui mentait, quand on lui présentait à signer quelque compte odieusement faux, il devenait rouge comme une écrevisse et se sentait coupable ; mais il signait le compte. Quand les malades se plaignaient de la