Page:Tchékhov - Salle 6, trad Roche, 1922.djvu/79

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contre les garçons qui s’obstinaient à ne pas comprendre le russe. Michel Avériânytch, bien portant, vif et gai à son ordinaire, courait la ville du matin au soir à la recherche de ses anciennes connaissances. Il découcha plusieurs fois. Après une nuit passée on ne sait où, il rentra un matin à l’aube, dans un état de violente excitation, tout rouge, les cheveux en désordre. Il fit longtemps les cent pas, de long en large, marmottant tout seul. Enfin il s’arrêta et dit :

– L’honneur avant tout !

Il marcha encore quelques pas, se prit la tête entre les mains, et prononça d’une voix tragique :

– Oui, l’honneur avant tout !… Maudite soit la minute où me passa dans l’esprit l’idée de venir dans cette Babylone ! Mon cher, dit-il, se tournant vers le docteur, méprisez-moi : j’ai joué ! Il faut que vous me prêtiez cinq cents roubles.

André Efîmytch compta cinq cents roubles et les tendit sans mot dire à son ami. Michel Avériânytch, encore tout rouge de honte et de colère, proféra un grand serment inutile, prit sa casquette et sortit.

Il rentra deux heures après, tomba dans un fauteuil, fit un grand soupir et dit :

– L’honneur est sauvé ; partons, mon ami ! Je ne veux pas rester une minute de plus dans cette ville maudite. Les filous ! Espions d’Autriche !