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révolutionnaire », on commença à employer l’expression « socialisme scientifique », tout comme s’il existait un socialisme des ignorants : probablement celui de Saint-Simon, d’Owen, de Proudhon et de Tchernychevsky. Malheureusement, l’adjectif « scientifique » se prête à un malentendu, car ce sont justement les défenseurs des iniquités de l’organisation capitaliste qui ont toujours le mot de « science » à la bouche ; d’un autre côté ; depuis longtemps en Allemagne une certaine classe de réformateurs à l’eau de rose, endormeurs patentés, se sont fait connaître sous le nom de socialistes de la chaire — Katheder Sozialist.

Il fallait absolument se distinguer de ces savants officiels. Alors commença la création d’une légende sur leur science à eux, exclusivement à eux, et basée sur les découvertes spéciales dues aux fondateurs de la social-démocratie. Au lieu de dire tout simplement que le développement colossal de la culture intellectuelle nous oblige à accomplir un changement radical dans l’organisation capitaliste et étatiste, et que la science tout entière, dans les recherches des hommes indépendants, condamne le mode de production et de consommation individuelle, ils voulurent s’attribuer tout le mérite d’une science spéciale : la science de la social-démocratie. L’affirmation est outrecuidante, elle ne tient pas debout dès qu’on est assez audacieux pour la regarder de près : la science réelle se rattache à toutes les vérités connues, et agit dans toutes les branches du savoir humain en entraînant par une pression irrésistible tous les esprits indépendants…

Nous allons voir si leur science a ce caractère.

Écoutez les affirmations des « penseurs » et des publicistes officiels du parti :

« Les lois de la production capitaliste découvertes par Marx, lisons-nous dans la biographie d’Engels (Neue Zeit., IXe année, no 8), sont aussi stables que celles de Newton et de Kepler pour le mouvement du système solaire. »

« C’est à Marx, dit Engels, que nous sommes redevables de deux grandes découvertes :