J’ai commencé à sentir leurs piqûres dans ma chair bien avant de comprendre quelle conclusion elles importaient. Lorsque j’ai essayé de brider mon désir, était-ce ma faute si la balance de la raison était bien trop légère pour équilibrer celle de la sensualité ? Était-ce ma faute si je n’arrivais pas à réfréner mon élan furieux ? Le destin, à la manière de Iago, m’avait clairement montré que si je voulais me damner, je pouvais le faire d’une manière plus délicate que la noyade. J’ai cédé à mon destin, et j’ai retrouvé ma joie.
Toutefois, je n’ai jamais dit avec Iago : ”Ta vertu pour une figue[ws 1] !” Non, la vertu a la douce saveur de la pêche : le vice, la petite gouttelette d’acide prussique, sa délicieuse saveur. La vie, sans l’une ou l’autre, serait sans sève.
— Pourtant, n’ayant pas, comme la plupart d’entre nous, été habitué à la sodomie depuis l’école, j’aurai pensé que vous auriez répugné à céder votre corps au plaisir d’un autre homme.
— Répugner ? Demandez à la vierge si elle regrette d’avoir abandonné sa virginité à l’amant qu’elle adore et qui lui rend pleinement son amour. Elle a perdu un trésor que toute la richesse de Golconde ne peut
- ↑ Note de Wikisource, Othello, acte II, scène VI, trad. Alfred de Vigny, éd. Le Vavasseur 1868. Vigny traduit par : “Vertu ? fausse monnaie”.