Page:Termier - Marcel Bertrand, 1908.djvu/17

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rable. Désormais les Alpes l’attirent, et cette idée que la clef des grands problèmes de la Géologie générale est cachée quelque part dans le chaos alpin va dominer sa vie entière. En 1884, il surprend la Société géologique de France par une communication sur les rapports de structure des Alpes de Glaris et du bassin houiller franco-belge ; et l’étonnement se propage aussitôt dans le monde des géologues, comme une brusque et large vague à la surface d’une eau dormante. On se demande quel est ce nouveau venu qui parle avec tant d’assurance, et qui explique à sa façon les Alpes suisses sans les avoir jamais vues ; et, bien que son étrange prophétie ne convainque personne, elle a une telle allure et elle est si fortement énoncée que personne n’ose élever la voix pour y contredire.

Dans l’automne de la même année 1884, Béguyer de Chancourtois, vieilli et malade, lui confie la suppléance de son cours de géologie à l’École des Mines. Le suppléant ne ressemble guère au professeur. Non seulement leurs idées sont différentes, et aussi leurs natures d’esprit ; mais la façon dont ils comprennent l’enseignement et toute leur méthode scientifique sont diamétralement opposées. Dès ses premières campagnes dans le Jura, Marcel Bertrand a mis de côté, comme un outil démodé et même dangereux, le principe de direction, et il l’a remplacé par le principe de continuité ; il n’a plus, dans la boussole, l’aveugle foi des adeptes du Réseau pentagonal ; il ne cherche pas à prévoir les accidents géologiques, mais bien à les constater, les étudier, et, partout où ils voudront aller, les suivre ; il sera théoricien plus tard, et comme personne n’a osé l’être ; pour le moment il entend rester observateur. Il ne peut, en matière de géologie, énoncer une phrase sans étonner son vieux maître et même sans le faire un peu souffrir. Mais le vieux maître, qui a beaucoup rêvé et qui est un poète beaucoup plus qu’un géologue,