Page:Tertullien - Œuvres complètes, traduction Genoud, 1852, tome 1.djvu/125

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ne se corrigea que par le repentir. Mon Dieu a commandé le vol : un vol d’or et d’argent. Mais plus la valeur de l’homme l’emporte sur un vil métal, plus ton dieu annonce un esprit de rapine et de violence, quand il dérobe l’homme à son créateur et à son maître légitime. Mon Dieu demande œil pour œil. Mais le tien, en défendant les représailles, perpétue la violence. En effet, l’agresseur ne réitérera-t-il point ses outrages s’il a la certitude de n’être point repoussé ? — Mon Dieu n’a pas su qui il choisissait. Le tien n’a pas fait moins. Eût-il admis au nombre des siens le traître Judas, si sa prescience l’avait connu ? Si tu prétends que le Créateur a menti quelque part, le mensonge est bien plus grand dans ton christ dont le corps était fantastique. La cruauté de mon Dieu a perdu des milliers de mortels. Mais tous ceux que le tien ne sauve pas, il les abandonne à la perdition. Mon Dieu a ordonné qu’on tuât quelques individus. Mais le lieu a voulu être immolé, doublement homicide envers lui d’abord, puis envers l’assassin par qui il a voulu être immolé. Je ne dis point assez. Je prouverai à Marcion que son dieu a donné la mort à une nation tout entière, en faisant d’elle un peuple d’homicides, à moins qu’il n’ose affirmer qu’elle n’a point péché contre le Christ. Toutefois la vérité marche d’un pas libre et ferme. Pour convaincre, il lui faut peu de paroles ; de longs discours sont nécessaires au mensonge.

XXIX. Au reste, j’aurais combattu plus vigoureusement les antithèses de Marcion, s’il eût été besoin d’une longue réfutation pour justifier le Créateur aussi bon qu’il est juste, comme nous l’avons montré par des exemples dignes de Dieu. Que si la bonté et la justice constituent dignement la plénitude de la Divinité, toute-puissante pour la récompense comme elle l’est pour le châtiment, je puis d’un mot réduire au néant ces antithèses qui prétendent distinguer d’après les caractères, les lois, les inclinations, et conséquemment jeter entre le Christ et le Créateur, les mêmes abîmes qu’entre la bonté et la justice,