Page:Tertullien - Œuvres complètes, traduction Genoud, 1852, tome 1.djvu/36

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il n’en va pas de même de Dieu. On ne peut ni l’appeler ni le croire Dieu s’il n’est pas l’être souverain. Or, puisque le sectaire est contraint de reconnaître la souveraine grandeur dans celui auquel il accorde la divinité, je ne puis admettre qu’il retranche quelque chose à la grandeur souveraine en la soumettant à une autre grandeur semblable. Pour Dieu se soumettre, c’est s’anéantir. Or, est-il d’un dieu d’anéantir sa majesté souveraine ? La divinité peut-elle diminuer et déchoir dans le Dieu créateur ? La suprême grandeur courra les mêmes risques dans le dieu prééminent de Marcion : il sera capable de s’abdiquer aussi bien que le nôtre. Pourquoi cela ? c’est que deux dieux, ayant été une fois proclamés souverainement grands, il résulte de toute nécessité que l’un ne sera ni plus puissant, ni plus faible, ni plus éminent, ni plus abaissé que l’autre. A l’œuvre donc, Marcion, refuse la divinité à ton dieu cruel ; refuse la suprême grandeur à celui que tu abaisses. En proclamant dieux et le nôtre et le lien, tu as proclamé deux êtres souverainement grands. Tu ne retrancheras rien à l’un, tu n’ajouteras rien à l’autre. En reconnaissant la divinité, tu as nié la diversité.

VII. Tu m’objecteras peut-être, pour ébranler ce raisonnement, que ce nom de dieu n’est qu’une qualification d’emprunt, autorisée par plusieurs passages des Ecritures. « Le Dieu des dieux s’est levé dans l’assemblée des dieux, dit le Psalmiste : il jugera les dieux publiquement. ----Et j’ai dit : Vous êtes des dieux. » Vous l’entendez ! les anges et les hommes sont appelés des dieux sans être pour cela en possession de l’être par excellence. J’en dis autant de votre créateur.

Et moi, je réponds à l’insensé qui. l’oublie : L’argument se retourne avec le même avantage contre le dieu de Marcion. On l’appelle dieu, de même que l’on prête ce nom sublime aux êtres sortis des mains du Créateur ; mais on ne prouve pas que le dieu nouveau soit l’être par excellence.