Page:Tertullien - Œuvres complètes, traduction Genoud, 1852, tome 1.djvu/372

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

de plusieurs dieux, toutefois « ce dieu béni, le père de notre Seigneur Jésus-Christ, » ne sera autre que le Créateur qui a béni tous les êtres, la Genèse en fait foi, et qui est béni par l’universalité des êtres, Daniel en fait foi. Si le dieu de Marcion, tout stérile qu’il est, peut être appelé Père, à plus forte raison notre Créateur. Mais il faut avouer « que le père des miséricordes, » sera celui qui est nommé dans la loi ancienne « le miséricordieux, le compatissant, le dieu riche en miséricordes. » Je le vois, dans Jonas, pardonner aux habitants de Ninive qui l’invoquent ; il se laisse fléchir par les larmes d’Ézéchias ; Achab, époux de Jézabel, le conjure de lui remettre le sang de Naboth ; il cède à sa demande ; David n’a pas plutôt avoué sa faute, qu’elle lui est pardonnée par ce Dieu « qui aime mieux le repentir du pécheur que sa mort, » toujours par un mouvement de miséricorde. Que Marcion’ me montre dans son dieu des exemples ou des oracles semblables, je le reconnais aussitôt pour le père des miséricordes.

Dira-t-il qu’il ne lui attribue ce titre qu’à dater du moment où il s’est révélé ? Son dieu n’est-il le père des miséricordes que du jour où il a commencé de délivrer le genre humain ? Nous nions, nous, son existence, depuis qu’on nous annonce sa révélation. L’hérétique ne peut attribuer aucune œuvre à une Divinité dont il n’a prouvé l’existence qu’en lui attribuant une œuvre étrangère. Si son existence était déjà, constatée, on pourrait lui imputer quelque chose. Ce que tu lui attribues est un accident. Or, la manifestation de l’être doit précéder les accidents de l’être. Obligation plus impérieuse encore quand l’œuvre, mise sur le compte de ce dieu non encore manifesté, est l’œuvre d’un autre dieu. Essayer de prouver son existence par les œuvres d’un dieu déjà en possession de l’existence, c’est le nier par la même. Conséquemment le Testament nouveau émanera de celui qui l’a formellement annoncé. Si la lettre n’est pas la même, c’est le même esprit : là réside