Page:Tertullien - Œuvres complètes, traduction Genoud, 1852, tome 1.djvu/53

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

se pourrait bien qu’il existât sans avoir délivré le genre humain. Je te le demande, lui prêter la rédemption, est-ce établir son existence, puisqu’il pourrait bien exister sans avoir sauvé le monde ?

Cette discussion nous a éloignés un moment de la controverse fondamentale qui traitait du Dieu inconnu. Il est suffisamment notoire d’une part qu’il n’a rien créé, de l’autre, qu’il y avait pour lui obligation de créer, enfin de se manifester lui-même par ses œuvres, parce qu’en admettant son existence comme réelle, il aurait dû être connu, et cela dès l’origine du monde. Nous nous sommes appuyés sur ce principe : Il ne convient pas à un dieu de rester caché. Maintenant la nécessité nous ramène à la question première, afin d’en développer les différentes ramifications. Il s’agira d’abord d’examiner par quelle voie ce dieu nouveau s’est fait connaître dans la suite des temps ; pourquoi dans la suite des temps, plutôt qu’an berceau d’un monde auquel il était nécessaire en sa qualité de dieu. Il y a mieux. Plus on fait de lui un dieu bienveillant, plus on proclame sa’ nécessité ; moins par conséquent il a dû se soustraire à nos regards.

Alléguera-t-on pour excuse qu’il n’y avait dans le monde ni motif pour qu’il se manifestât, ni éléments pour apprécier cette manifestation ? Assertion mensongère ! Ce monde où votre Dieu vient de tomber des nues renfermait alors et l’homme capable de le connaître, et la malice du créateur à laquelle dans sa bonté il devait obvier. Qu’en conclure ? Ou il a ignoré l’indispensable nécessité de sa manifestation et les éléments sur lesquels elle s’exercerait, ou il a hésité, ou il a été frappé d’impuissance, ou la volonté lui a manqué. Toutes choses indignes d’un Dieu, et surtout d’un Dieu très-bon. Mais nous montrerons ailleurs la chimère de cette tardive révélation. Qu’il nous suffise de l’indiquer pour le moment.

XVIII. Eh bien ! qu’il ait apparu dans ce monde quand il l’a voulu, quand il l’a pu, quand l’heure fatale est arrivée ;