Page:Tertullien - Œuvres complètes, traduction Genoud, 1852, tome 1.djvu/67

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chose que la chair ? C’est à la matière corporelle, et non à l’élément spirituel, que son auteur a imprimé le nom d’homme. « Le Seigneur créa l’homme du limon de la terre, » dit le texte sacré. Ici ce n’est pas l’ame qui reçoit le nom ; l’ame vient du souffle divin. « Dieu répandit sur son visage un souffle de vie, et il eut une ame vivante. » Le surnom était juste pour le fils de la terre. « Et il plaça l’homme, poursuit l’écrivain inspiré, dans un jardin de délices. » Tu l’entends, toujours l’homme ; ce que Dieu a pétri de ses mains, et non le souffle qu’il lui a communiqué ; ici encore la chair, et non l’ame. S’il en est ainsi, quelle insolente audace de revendiquer la plénitude et la perfection pour une bonté qui, fidèle à délivrer l’homme dans sa partie distinctive et caractéristique, est impuissante à le sauver dans ses propriétés générales ! Veut-on que la miséricorde par excellence consiste à sauver l’ame uniquement ? Qu’arrive-t-il alors ? La vie présente, dont nous jouissons, hommes entiers et complets, vaudra mieux pour nous que la vie à venir. Ressusciter en partie, qu’est-ce après tout ? Un châtiment plutôt qu’une délivrance. Ce que j’attendais d’une bonté consommée, c’est que l’homme, libéré pour rendre hommage au Dieu très-bon, fût enlevé sur-le-champ au séjour et à la domination du dieu cruel. Mais, ô insensé Marcionite, aujourd’hui encore, la fièvre trouble ta raison. Mille aiguillons déchirent ta chair : les foudres, les guerres, les pestes, et les nombreux fléaux du Créateur, ne sont pas les seules calamités qui t’enveloppent : ses moindres reptiles t’épouvantent. Je suis à l’abri de ses coups, dis-tu ; et le dard de l’un de ses insectes te remplit de douleur. Protégé contre lui dans l’avenir, pourquoi ne l’es-tu pas aussi dans le présent, afin qu’il y ait perfection ? Bien différente est notre condition, à nous, vis-à-vis de l’auteur, du juge, du souverain offensé du genre humain. Tu préconises un Dieu uniquement bon, mais je te défie d’accorder la bonté parfaite avec un dieu qui n’achève pas ta délivrance.