Page:Tertullien - Œuvres complètes, traduction Genoud, 1852, tome 1.djvu/80

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dans les mains une immensité qui cesserait d’être incommensurable, si l’homme en avait la mesure. Il entrevoyait d’avance les cœurs des hérétiques, le prophète Isaïe, quand il s’écriait ; « Qui a connu les pensées du Seigneur ? à qui a-t-il demandé conseil ? qui l’a instruit ? les routes de l’intelligence et de la sagesse, qui les lui a ouvertes ? » L’apôtre a tenu le même langage : « Ô profondeur des trésors et de la sagesse de Dieu ! que ses jugements sont incompréhensibles ! » (voilà le juge :) « que ses voies sont impénétrables ! » (voilà la sagesse et la science. ) Science, sagesse que personne ne lui a révélées, à moins qu’il ne les tienne de ces superbes détracteurs qui s’en vont répétant : « Voilà qui est indigne de Dieu ! Il convenait à la sagesse de faire autrement ! comme si quelqu’un pouvait pénétrer dans les conseils de Dieu, excepté l’Esprit de Dieu ! Ceux qu’anime l’esprit du monde, ne reconnaissant point de Dieu dans leur propre sagesse, se sont dit : Nous sommes plus clairvoyants que Dieu. » Pourquoi ? Le voici : « De même que la sagesse du monde est folie aux yeux de Dieu, de même la sagesse de Dieu est folie aux yeux du monde : mais nous, nous savons que la folie de Dieu est plus sage que les hommes ; et la faiblesse de Dieu plus forte que les hommes. » Par conséquent jamais Dieu n’est plus grand que là où il parait petit aux regards de l’homme ; jamais plus miséricordieux que là où sa bonté se voile ; jamais plus indivisible dans son imité que là où l’homme aperçoit deux ou plusieurs principes. Que si dès le berceau du monde, « l’homme animal, fermant la porte aux dons de Dieu, » taxa de folie la loi qu’il avait commencé de transgresser ; si en abjurant la soumission, il fut déshérité des trésors qu’il possédait déjà, la gloire du paradis, et la douce familiarité de son Dieu, par laquelle il eût tout connu, s’il avait persévéré dans l’obéissance, m’étonnerai-je que rendu à son élément primitif, esclave relégué dans la prison de la terre, condamné à féconder la terre de ses sueurs, incessamment courbé vers