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Page:Tertullien - Œuvres complètes, traduction Genoud, 1852, tome 2.djvu/104

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n’en faudrait pas mourir pour arriver au Styx ; car c’est dans les enfers qu’on place le Styx. Quelle est donc et où se trouve cette eau d’une vertu merveilleuse dont Jean-Baptiste ne fit jamais usage, et que le Christ lui-même n’enseigna point à ses disciples ? Quel est ce baptême de Ménandre ? Il est magique, sans doute. Mais pourquoi est-il si rare, si mystérieux, et destiné à si peu d’hommes ? La rareté d’un sacrement auquel est attaché tant de sécurité et de certitude, qu’il dispense même de mourir pour Dieu, me devient suspecte, puisqu’au contraire toutes les nations gravissent déjà « la montagne du Seigneur et le temple du Dieu de Jacob, » qui réclame par la voie du martyre la mort qu’il a exigée de son Christ lui-même. Personne n’accordera sans doute à la magie la vertu d’affranchir de la mort, ou de rendre à la vigne une nouvelle vie en renouvelant son âge. Médée elle-même ne l’a pas pu pour un homme, quoiqu’elle l’ait pu pour un animal. Enoch et Elie furent enlevés à la terre : rien de leur corps ne fut retrouvé, parce que leur mort a été différée : d’ailleurs ils sont tenus à l’écart pour mourir, destinés à éteindre dans leur sang les fureurs de l’Antéchrist. Jean est mort aussi, Jean qui, on l’espérait vainement, devait nous rester jusqu’à l’avènement du Christ. En effet, la plupart des hérésies s’emparent de nos exemples, empruntant ainsi leurs arguments à une religion qu’ils attaquent. Enfin je ne veux que cette preuve abrégée : Où sont ceux que Ménandre a baptisés lui-même ? ceux qu’il a plongés dans son Styx ? Qu’ils approchent, qu’ils se montrent devant nous, ces apôtres éternels ! que mon Thomas les voie, qu’il les entende, qu’il les touche ; et il est convaincu.

LI. L’œuvre de la mort est assez connue ; elle sépare l’âme d’avec le corps, mais pour laisser à l’âme cette immortalité que plusieurs, faute d’être instruits par Dieu, défendent faiblement. Telle est même l’indigence de leurs raisonnements, qu’ils veulent nous persuader que certaines âmes demeurent attachées au corps, même après la mort.