Page:Tertullien - Œuvres complètes, traduction Genoud, 1852, tome 2.djvu/131

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veille encore que cette fille de Dieu chante les mystères que Dieu a permis aux siens de connaître !

Le détracteur qui refuse de reconnaître dans ces soudaines inspirations de l’âme une doctrine née avec elle, et la voix infaillible de la conscience, aimera mieux dire que les lettres ayant répandu parmi la multitude ces opinions erronées, ont amené ces locutions vicieuses fortifiées par le temps et par l’habitude. Mais l’âme existait assurément avant les lettres. La parole a précédé les livres ; la pensée est antérieure à l’élocution, et l’homme lui-même est né avant le philosophe et le poète. Est-il donc croyable qu’avant les lettres et leur dissémination, les hommes aient vécu sans jamais manifester ces sentiments intérieurs ? Quoi ! pas un homme qui parlât de Dieu et de sa bonté ; qui parlât de la mort ; qui parlât des enfers ! La langue était indigente alors ; je me trompe ; il ne pouvait y avoir de langue dans l’absence de ces mots sans lesquels il ne peut y avoir, de nos jours, d’idiome riche, fleuri, savant, s’il est vrai que ces expressions si faciles, si habituelles, si familières à tous et nées, pour ainsi dire, sur les lèvres, n’existaient pas avant que les lettres germassent dans le monde, ou qu’un Mercure, sans doute, vînt à naître. Mais comment ces mots se sont-ils introduits dans les livres et dans le langage, puisque jamais ils n’avaient été conçus par aucun esprit, proférés par aucune bouche, recueillis par aucune oreille ? D’ailleurs, puisque les divines Écritures qui sont entre nos mains et entre celles des Juifs, « car nous qui n’étions qu’un olivier sauvage, nous avons été entés sur l’olivier des Juifs, » sont antérieures de plusieurs siècles aux littératures profanes, comme nous l’avons démontré en son lieu, afin de prouver la foi qui leur est due, si l’âme a emprunté aux lettres ces locutions, il faut croire que c’est à nos sources et non aux vôtres qu’elle les a puisées. En effet, des enseignements venus les premiers sont plus capables d’éclairer une âme, que des enseignements postérieurs qui eux-mêmes ont répété leurs devan-