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Page:Tertullien - Œuvres complètes, traduction Genoud, 1852, tome 2.djvu/167

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Passons maintenant à la matière elle-même. Je ne veux pas parler des laines de Milet, de Selges, d’Altin, de Tarente ou de la Bétique, que la nature elle-même colore. Je vais plus loin, puisque les arbustes eux-mêmes nous vêtissent, ainsi que le lin qui se dépouille de sa teinte verte et prend la couleur de la neige en étant lavé. Mais comme s’il ne suffisait pas de planter et de semer des tuniques sur la terre, il a fallu pêcher au fond des mers ses vêtements. En effet, certains coquillages, riches d’une mousse qui imite la laine, se couvrent d’une sorte de toison. Qui ne connaît le ver à soie ? C’est une espèce de ver qui, filant sa propre substance dans les airs, tend son domicile avec plus d’adresse que les cadrans de l’araignée, puis dévore son ouvrage pour le rendre bientôt après : tuez-le, vous déroulerez une trame vivante.

C’est ainsi que le génie du luxe s’est mis à la recherche de mille matières précieuses pour embellir ses vêtements. D’abord ils étaient destinés à couvrir l’homme, parce qu’il fallait pourvoir à la nécessité. Mais depuis, le faste prenant la place de la nécessité, on se para, on se surcharge à d’ornements orgueilleux, et on multiplia ses vêtements. Les tins sont particuliers à certains peuples ; les autres sont communs à tous et peuvent être portés utilement. De ce nombre est le manteau. Quoiqu’il soit plus grec que romain, maintenant que le Grec a envahi le Latium, le vêtement y a pénétré avec le langage. Ainsi le Romain qui chassait les Grecs de ses murs, apprenait néanmoins leur langue sur ses vieux jours. Ainsi le même Caton qui, pendant sa préture, se montrait l’épaule découverte à la manière des Grecs, ne favorisa pas moins les Grecs que s’il eût porté le manteau.

IV. Que dire maintenant si, tandis que la mode romaine vous paraît le salut de tous, vous retenez en même temps les dissolutions des Grecs ? Ou, s’il n’en va point ainsi, d’où vient que, dans des provinces où régnaient de plus nobles exercices, et que la nature vous a départies pour dompter la