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Page:Tertullien - Œuvres complètes, traduction Genoud, 1852, tome 2.djvu/169

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son miroir, d’orner son cou, de porter des pendants d’oreilles à la manière des femmes, ainsi que le représente le bouclier conservé à Sigée, voilà ce qui m’indigne. Il est bien vrai que dans la suite il fut soldat ; car la nécessité le rendit à son sexe. La trompette du combat avait sonné, et les armes n’étaient pas loin. Le fer, dit le poète, attire l’homme. D’ailleurs, si après avoir senti cet aiguillon, il eût continué de vivre sous des habits de jeune fille, il eût pu se marier aussi comme tel. Voilà donc une double métamorphose : d’homme il devient femme, de femme il devient homme. Changement monstrueux, puisqu’il ne devait ni désavouer la vérité de son sexe, ni confesser ensuite le déguisement. L’une et l’autre manière de changer ne lui valurent rien : la première offensa la nature ; la seconde lui enleva la vie.

La volupté a travesti un autre héros, d’une façon plus honteuse encore que ne l’a fait la sollicitude maternelle. Je sais bien que vous l’adorez ; mais vous devriez rougir plutôt de ce porteur de massue, de flèches et de peau, qui préféra les ajustements d’une femme à tout ce qui composait sa gloire et son surnom. Une infâme Lydienne a eu le pouvoir de transformer, par une double prostitution, Hercule en Omphale, et Omphale en Hercule. Où est Diomède avec ses crèches sanglantes ? où est Busiris avec ses autels convertis en bûchers ? où est Géryon, triple dans son unité ? La massue d’Hercule regrettait l’odeur de leurs cervelles brisées, pendant qu’elle était arrosée de parfums. Le vieux sang de l’hydre, le vieux sang des Centaures était effacé par la pierre ponce destinée à polir le miroir. Quel fut le triomphe de la mollesse, quand ces flèches qui avaient percé des monstres servaient peut-être à coudre des couronnes ! Au reste, les épaules d’une femme honnête, ni même de quelque héroïne, n’auraient jamais pu supporter la rudesse des dépouilles du monstre, si elles n’avaient été apprêtées, adoucies, et parfumées d’avance avec quelque essence odorante ou précieuse, Omphale ne manqua pas