Page:Tertullien - Œuvres complètes, traduction Genoud, 1852, tome 2.djvu/210

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ce que tu as entrepris par le motif de la crainte, sinon parce que tu as cessé de craindre ? Or, rien ne détruit mieux la crainte que la révolte. Et si l’ignorance même du Seigneur n’est pas un abri contre le châtiment, parce qu’il n’est pas permis d’ignorer Dieu qui est visible à tous, et qui s’atteste lui-même par la manifestation de ses œuvres, qu’il est dangereux de le mépriser après l’avoir connu ! Or il le méprise, celui qui ayant obtenu de lui le discernement du bien et du mal, foule aux pieds son discernement, c’est-à-dire le don de Dieu, en revenant à ce qu’il sait qu’il faut fuir, à ce qu’il a déjà fui lui-même. Il repousse le donateur quand il dédaigne le don ; il répudie le bienfait lorsqu’il cesse d’honorer le bienfaiteur. Comment Dieu peut-il lui plaire, puisque les dons de Dieu lui déplaisent ? De là vient qu’il est non-seulement coupable de révolte contre Dieu, mais d’ingratitude.

D’ailleurs, après avoir terrassé par la pénitence l’ennemi de Dieu, et à ce titre l’avoir soumis au Seigneur, est-ce faire une médiocre insulte à celui-ci, que de relever par sa chute son rival, et de lui préparer un trophée dans sa personne, afin que l’esprit mauvais, reconquérant sa proie sur le Seigneur, triomphe une seconde fois ? N’est-ce pas là, chose périlleuse à dire, mais qu’il faut proclamer néanmoins pour l’édification ! n’est-ce pas là sacrifier le Seigneur au démon ? Il semble en effet que le transfuge ait établi une comparaison, puisqu’il connaissait l’un et l’autre, et qu’il ait décidé, après mûr examen, que celui-là est le meilleur auquel il a préféré appartenir une seconde fois. Ainsi, celui qui avait commencé de satisfaire à Dieu par la pénitence de ses péchés, satisfera au démon par une pénitence contraire, et deviendra par conséquent aussi odieux au Seigneur qu’agréable à son ennemi.

Mais, disent quelques-uns, Dieu se contente de l’hommage du cœur et de l’esprit, sans avoir besoin de l’acte extérieur. Nous péchons donc sans perdre ni la crainte ni la foi. Qu’est-ce à dire ? Vous profanez le mariage en gardant