Page:Tertullien - Œuvres complètes, traduction Genoud, 1852, tome 2.djvu/253

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uns empruntant sur gages de l’argent aux païens, se taisent en souscrivant la formule d’engagement, et s’autorisent de là pour prétexter ignorance. A quelle époque, demandent-ils, sera jugée cette affaire ? devant quel tribunal ? par quel juge ? Le Christ l’a déterminé d’avance : « Tu ne jureras point. » - J’ai écrit, dit-on, mais je n’ai proféré aucune parole. — C’est la langue et non la lettre qui tue. Ici j’en appelle à la nature et à la conscience ; à la nature : la main peut-elle écrire sans que l’aine dicte les paroles, quand même la langue, en les dictant, demeurerait muette et immobile, et cela, soit que l’ame dicte à la langue ses propres pensées ou les pensées d’un autre ? Qu’on ne vienne donc plus nous dire : Un autre a dicté. Ici j’invoque encore la conscience : l’ame accepte-t-elle, oui ou non, les paroles qu’un autre a dictées, pour les transmettre à la main, soit que l’ame les accompagne, soit qu’elle se taise ? Heureusement, le Seigneur a déclaré « que le péché se consommait par l’intention au fond du cœur. Si la concupiscence ou la malice, dit-il, monte dans le cœur de l’homme, le péché est commis. » Tu as dissimulé, ton cœur t’en a pleinement averti ; tu ne peux donc prétexter ni l’ignorance, ni le défaut de volonté. En effet, puisque tu dissimulais, tu l’as su ; puisque tu le savais, tu l’as voulu : tu es donc coupable de pensée comme d’action. Impossible d’échapper à une faute légère par une plus grande, en disant que le crime que je t’impute par ta dissimulation est imaginaire, ce que tu ne fais pas.

— Je n’ai pas renié, dis-tu, puisque je n’ai pas juré. -illusion ! quand bien même tu n’aurais fait ni l’un ni l’autre, tu t’es parjuré néanmoins, puisque tu as consenti. N’est-ce point parler que d’écrire ? n’y a-t-il pas un son muet dans les caractères ! En effet, Zacharie privé pour un temps de l’usage de la voix, s’entretient avec son ame, triomphe de l’embarras de sa langue, dicte à ses mains ce qu’a résolu son cœur, prononce sans le secours des lèvres le nom de son fils, parle avec le stylet, et sa main se fait entendre