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Page:Tertullien - Œuvres complètes, traduction Genoud, 1852, tome 2.djvu/272

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Si, comme vous le dites, nous nous cachons toujours, comment ce que nous faisons a-t-il été découvert ? Qui nous a livrés ? Les coupables eux-mêmes ? cela ne peut être : le secret est ordonné dans tous les mystères. Il est inviolable dans ceux d’Eleusis et de Samothrace : il le sera à plus forte raison dans les nôtres, qui ne peuvent être révélés sans attirer aussitôt la vengeance des hommes, tandis que celle du ciel est suspendue. Si les Chrétiens ne se sont pas trahis eux-mêmes, ils ont donc été trahis par des étrangers. Mais d’où est venue aux étrangers la connaissance de nos mystères, puisque toutes les initiations même des hommes pieux écartent les profanes ? Les impies seuls auraient-ils moins à craindre ?

La nature de la renommée est connue de tout le monde ; votre poète l’appelle le plus rapide de tous les maux. Pourquoi l’appelle-t-il un mal ? Parce qu’elle est rapide ? parce qu’elle sème les rumeurs ? ou plutôt n’est-ce point parce qu’elle est toujours menteuse ? Elle l’est, même quand elle annonce la vérité, parce qu’elle la dénature, l’affaiblit, l’exagère. Que dis-je ? La renommée ne vit que de mensonges ; elle n’existe que lorsqu’elle ne prouve rien : dès qu’elle a prouvé, elle cesse d’être, sa fonction est remplie. Elle nous a transmis le fait qu’elle annonçait : dès-lors on le sait avec certitude et on l’énonce simplement. On ne dit plus : Le bruit court qu’une telle chose est arrivée à Rome, qu’un tel a tiré au sort le gouvernement de cette province ; mais : Il a tiré au sort cette province ; cela est arrivé à Rome. Qui dit renommée, dit incertitude : où commence la certitude, elle disparaît. Qui donc pourra en croire la renommée ? Ce ne sera pas le sage qui ne croit jamais ce qui est incertain. Quel que soit l’appareil avec lequel la renommée se présente, quel que soit le nombre de circonstances qu’elle accumule, il faut bien qu’on sache que souvent un seul homme lui a donné naissance, et que de là elle se glisse par la bouche et les oreilles de la multitude comme par autant de canaux. Mais l’obscurité et le vice