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Page:Tertullien - Œuvres complètes, traduction Genoud, 1852, tome 2.djvu/28

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elle raisonne, qu’elle possède avec soi pour se mouvoir d’elle-même dans elle-même, et par laquelle elle semble mue comme par une substance étrangère, ainsi que le veulent ceux qui ne reconnaissent qu’une intelligence universelle, imprimant le mouvement à la nature, dieu de Socrate, dieu monogène de Valentin, ayant pour père Bythos ou l’Abîme, pour mère Sigé ou le Silence. Quelle confusion dans le système d’Anaxagore ! Après avoir imaginé une intelligence, commencement de toutes choses et image abrégée [1] de l’ensemble des êtres, rattacher à ce principe l’univers, le déclarer pur, simple, inalliable, c’était à ce titre même le séparer de tout mélange avec l’âme humaine. Toutefois, il ne laisse pas de le mêler ailleurs avec elle. Aristote signala cette contradiction, plus habile peut-être à renverser les systèmes d’autrui qu’à édifier les siens.

Enfin ce dernier, après avoir ajourné lui-même la définition de l’esprit, commença par déclarer divine l’une des espèces [2] ; puis, en prouvant qu’elle était impassible, il lui enlève, lui aussi, toute participation avec l’âme. En effet, comme il est constant que l’âme souffre tout ce qu’elle doit souffrir, elle souffrira par l’esprit ou avec lui. Si elle est confondue avec l’esprit, on ne peut induire l’impassibilité de l’esprit ; si elle ne souffre ni par lui ni avec lui, elle n’est donc pas confondue avec celui dans la société duquel elle ne souffre rien, impassible lui-même. Or, si l’âme ne souffre rien par lui ni avec lui, dès-lors elle cesse de sentir, de réfléchir et d’agir par lui, comme on le prétend. Car Aristote appelle les sens du nom de passions [3]. Comment en serait-il autrement ? Sentir c’est souffrir, puisque

  1. Anaxagore appelait ce principe universel, le Μικροκοσμος, le petit monde, le monde abrégé.
  2. Allusion à ce passage d’Aristote : Intellectus divinum quid est fortasse passioneque vacat. Lib. de anima, 10, 4. ---- Restat ut mens sola extrinsecus accedat, eaque sola divina sit. Historia anim., lib. 2, 3.
  3. Fit autem sensus cum movetur atque patitur. De animâ, 2, 5.