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Page:Tertullien - Œuvres complètes, traduction Genoud, 1852, tome 2.djvu/290

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de bois grossière, informe, sans figure ? Tout poteau dressé en l’air est la moitié d’une croix ; ainsi nous adorerions, nous, le Dieu tout entier. Nous avons dit plus haut que les ouvriers font prendre à vos dieux leur forme sur une croix ; d’ailleurs, en adorant les Victoires, vous adorez les croix qui sont au milieu des trophées. Vos armées révèrent leurs enseignes, jurent par elles, les préfèrent même à tous les dieux. Ces images superbes sont la parure des croix, ces voiles, ces étoffes précieuses de vos drapeaux et de vos étendards servent à les enrichir. J’approuve votre délicatesse, vous n’avez pas voulu les adorer nues et sans ornement !

D’autres, avec plus de vraisemblance et de raison, s’imaginent que le soleil est notre Dieu. Ainsi, nous voilà rangés parmi les Perses, quoique nous n’adorions pas comme eux l’image du soleil peinte sur une toile ou représentée sur nos boucliers. Ce qui a fait naître ce soupçon, c’est sans doute parce que nous nous tournons vers l’orient pour prier. Mais ne voit-on pas la plupart d’entre vous tournés vers le soleil levant, affecter d’adorer le ciel et de remuer les lèvres ? Si nous donnons à la joie le jour du soleil, c’est pour une raison tout autre que l’adoration du soleil. Nous célébrons le jour qui suit immédiatement celui de Saturne, que vous passez dans l’oisiveté et les festins, bien différemment des Juifs, dont vous ignorez les usages.

Mais depuis peu on a représenté notre Dieu dans cette cité sous une forme nouvelle. Un de ces hommes qui louent leur sang pour combattre contre les bêtes, a exposé un tableau avec cette inscription : Le dieu des Chrétiens, Onochœtès (race d’âne). Il y était représenté avec des oreilles d’âne, un pied de corne, un livre à la main, et vêtu de la toge. Nous avons ri du nom et du travestissement ; mais dans le vrai, ce monstre à double forme était le dieu qui convenait merveilleusement à ceux qui adorent des divinités avec des têtes de lion et de chien, des cornes de chèvre et de bélier, boucs depuis les reins, serpents depuis les cuisses, portant des ailes au dos ou bien aux pieds.