Page:Tertullien - Œuvres complètes, traduction Genoud, 1852, tome 2.djvu/43

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la création du monde, par la connaissance que ses ouvrages nous donnent de lui ; » puisque Platon dit aux hérétiques : « Les choses qui paraissent sont l’image de celles qui sont cachées, » il faut donc nécessairement que ce monde soit une sorte d’image de quelque autre monde. L’intellect paraît avoir le sentiment pour guide, pour conseiller et pour fondement principal : il semble impossible de pouvoir saisir la vérité sans lui. Comment donc sera-t-il supérieur à celui par qui il existe, dont il a besoin, auquel il doit tout ce qu’il embrasse ? Delà il faut tirer cette double conclusion : — L’intellect n’a point la prééminence sur le sentiment ; une chose est inférieure à celle par qui elle existe. — L’intellect ne peut être séparé du sentiment ; une chose par laquelle une autre existe se confond avec elle.

XIX. Mais il ne faut pas passer sous silence ceux qui dépouillent l’âme de l’intellect, même pour quelques moments. Car ils veulent que le temps fraie pour ainsi dire la voie à l’intellect, de même qu’à l’esprit de qui provient l’intellect. A les entendre, l’enfance ne posséderait qu’une âme sensitive, par laquelle elle vit, mais sans connaître, parce que tout ce qui vit n’a pas la connaissance. Ainsi les arbres vivent, mais ne connaissent pas, disent-ils d’après Aristote et quiconque gratifie l’universalité des êtres de la substance animée, qui chez nous est une chose particulière à l’homme non-seulement en tant qu’œuvre de Dieu, caractère commun à toute la création, mais en tant que souffle de Dieu, privilège qui n’appartient qu’à elle. Nous déclarons, nous, que l’âme naît avec toutes ses facultés ; et si l’on nous oppose l’exemple des arbres, nous l’accepterons. En effet, ils ont en eux la force de l’âme qui leur est propre, je ne dis pas seulement les jeunes arbres, mais encore les tiges d’autrefois et les rejetons d’aujourd’hui, aussitôt qu’ils sortent de la terre où ils ont été enfouis. Toutefois, elle se développe lentement, s’incorporant avec le tronc qui l’a reçue, et grandissant avec lui, jusqu’à ce que, fortifiée par l’âge, elle soit à même de remplir les conditions de sa nature.