Page:Tertullien - Œuvres complètes, traduction Genoud, 1852, tome 2.djvu/451

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XIII. Mais « je donnerai à quiconque me demande. » Oui, à titre d’aumône, mais non d’exaction. « A quiconque demande, » est-il dit. Or, extorquer n’est pas demander. Celui qui me menace, s’il ne reçoit rien, au lieu de me demander, m’arrache. Il n’attend pas une aumône, celui qui vient non pour se faire plaindre, mais pour se faire craindre. Je donnerai donc par charité, non par frayeur, à l’infortuné qui, après avoir reçu, rend gloire à Dieu et me bénit, non à l’orgueilleux qui croit m’avoir rendu service, et les yeux attachés sur sa proie s’écrie : C’est le rachat d’un crime !

Je nourrirai « même mon ennemi. » Mais il y a des ennemis à d’autres titres. Paul n’a pas dit le traître, le concussionnaire, le persécuteur. « Que de charbons en effet j’amasse sur sa tête, » en refusant de pactiser avec lui ! Je sais bien qu’il est écrit : « Si quelqu’un vous prend votre tunique, abandonnez-lui encore votre manteau. » Mais il est question du spoliateur qui convoite mon bien, et non du persécuteur qui s’attaque à ma foi. J’abandonnerai jusqu’à mon manteau à qui ne me menace pas d’une dénonciation. Me menace-t-il ? Je lui reprendrai même la tunique que je lui ai abandonnée. Les commandements du Seigneur, au lieu de s’étendre à l’infini et à toutes choses, ont leurs motifs, leurs règles et leurs limites. Ainsi, celui qui a dit : « Donnez à qui vous demande, » refuse un signe à ceux qui lui en demandaient. Autrement, si tu crois qu’il faille donner indistinctement à tous ceux qui demandent, il faudra, ce me semble, que tu donnes au malade que travaille la fièvre, je ne dis pas seulement du vin, mais du poison, et à l’homme qui désire la mort, une épée.

« Employez les richesses injustes de Mammon à vous faire des amis. » Le sens de ce précepte est déterminé par la parabole qui précède. Elle s’adressait au peuple Juif, qui, économe infidèle du bien que lui avait confié le Seigneur, des serviteurs de Mammon, c’est-à-dire de nous-