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Page:Tertullien - Œuvres complètes, traduction Genoud, 1852, tome 2.djvu/457

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mais vous êtes libres pour Dieu. Vous respirez un air infect, mais vous êtes vous-mêmes « un parfum de suavité. » Vous attendez la sentence du juge, mais « vous jugerez vous-mêmes les juges de la terre. » Qu’il s’abandonne aux larmes, celui qui soupire après les délices du siècle ! Un Chrétien a renoncé au siècle, alors même qu’il jouissait de la liberté ; jusque dans les fers, il renonce à ses fers. Qu’importé le lieu où vous êles ici-bas, puisque vous êles hors du siècle ? Et si vous avez perdu quelques joies de la vie, bienheureux le négoce qui perd quelque chose pour gagner beaucoup !

Sans parler encore ici de la magnifique récompense à laquelle Dieu invile les martyrs, opposons la scène du monde au silence de vos cachots, et nous reconnaîtrons que l’esprit y gagne plus que la chair n’y saurait perdre. Ou, pour mieux dire, le corps n’y perd rien, puisqu’il trouve ce qui lui est nécessaire dans la vigilance de l’Église et les agapes des fidèles, en même temps que l’ame y trouve tous les aliments spirituels propres à nourrir la foi. Là du moins vous n’apercevez point les dieux étrangers ; vous ne rencontrez point leurs images ; vous ne vous trouvez point mêlés avec leurs sacrilèges adorateurs ; vous n’êtes point révoltés par mille parfums impies ; vous n’êtes point importunés par les clameurs insensées des spectacles, par l’aspect des scènes sanguinaires ou impudiques qui s’y passent ; vos yeux ne tombent pas sur les repaires de la prostitution publique. Vous êtes à l’abri des scandales, des épreuves, des souvenirs mauvais et de la tentation elle-même. Ce que le désert donnait jadis aux prophètes, la prison le donne au Chrétien, Le Seigneur lui-même cherchait souvent la solitude pour y prier plus librement loin, du monde ; c’est dans la solitude qu’il manifesta sa gloire à ses disciples. Changez le nom : votre cachot n’est plus qu’une retraite, où malgré les murs qui enferment le corps, malgré les liens qui retiennent la chair, tout est ouvert à l’esprit, qui circule librement et se répand au dehors