Page:Tertullien - Œuvres complètes, traduction Genoud, 1852, tome 2.djvu/520

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pour l’entretien de la vie humaine et de la terre, puisque les corps et les âmes n’auraient pu se suffire à eux-mêmes sans la combinaison des éléments, et que c’est par eux que la terre, enfermée dans différentes zones, est habitable, là du moins où l’intensité du froid et de la chaleur n’exclut pas la vie. Ainsi donc l’on a adoré comme dieux, le Soleil, parce qu’il nous donne le jour, mûrit nos moissons et mesure la marche régulière des années ; la Lune, parce qu’elle console nos nuits de l’absence du soleil et gouverne les mois ; les Astres, parce qu’ils concourent avec le soleil à déterminer les temps et les saisons ; le Ciel, parce qu’il enveloppe toute la nature ; la Terre, enfin, parce qu’elle semble soutenir toutes les productions. Que dirai-je ? On divinisa tout ce qui sert à l’utilité de l’homme. Ce ne fut pas seulement par des bienfaits que les éléments donnèrent l’idée de leur divinité, ce fut aussi par des actes de colère apparente, tels que la foudre, la grêle, les sécheresses, les vents pestilentiels : j’en dis autant des inondations, des tremblements de terre et des volcans. Qu’on les ait pris pour des dieux, je ne m’en étonne pas, ajoute-t-il, puisque nous devons honorer la nature quand elle nous est favorable, la redouter quand elle nous est terrible, elle qui peut nous faire tant de bien ou tant de mal.

Quoiqu’il y ait un fond de vérité à tout cela, toutefois ce n’est pas aux choses mêmes qui nous font du bien ou du mal que nous adressons notre reconnaissance ou nos plaintes, mais à ceux qui les ont sous la main et les gouvernent à leur gré. Dans vos divertissements, en effet, ce n’est pas à la flûte ou à la guitare que vous décernez le prix ; c’est à l’artiste qui a tiré des sons si harmonieux de la guitare et de la flûte. De même, que l’un de vous tombe malade, il ne remerciera de sa guérison ni la laine, ni les antidotes, ni les remèdes eux-mêmes, mais le médecin dont l’expérience et l’habileté les lui ont administrés. Dans un assassinat, le blessé ne s’en prend ni au glaive ni à la lance qui