Page:Tertullien - Œuvres complètes, traduction Genoud, 1852, tome 2.djvu/58

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factice si nécessaire aux femmes en couches, pour lesquelles le plus léger souffle est un péril. Mais que dis-je ? le fœtus arrive à la lumière jusque dans le bain lui-même, et on entend aussitôt un vagissement.

D’ailleurs, si l’air froid donne naissance à l’âme, personne ne doit naître hors de la Germanie, de la Scythie, des Alpes, et d’Argée [1]. Loin de là, les nations sont plus nombreuses vers les contrées orientales et méridionales ; les esprits y sont plus subtils, tandis que tous les Sarmates ont l’intelligence comme engourdie. En effet, l’intellect deviendra plus aiguisé par le froid, s’il est vrai que les âmes proviennent du souffle de l’air, puisque là où. est la substance, là aussi est la force.

Après ces préliminaires, nous pouvons invoquer l’exemple de ceux qui vivaient déjà, lorsqu’ils ont respiré l’air dans la matrice ouverte par le scalpel, nouveaux Bacchus ou modernes Scipions[2]. Si quelqu’un, tel que Platon, pensait que deux âmes, pas plus que deux corps, ne peuvent se trouver réunies dans une même personne, non-seulement je lui montrerais deux âmes rassemblées dans un même individu, de même que des corps dans les accouchements, mais encore beaucoup d’autres choses mêlées à l’âme, le démon de Socrate, par exemple : encore n’était-il pas seul. Je lui montrerais de plus les sept démons de Madeleine, la légion de démons qui envahit Gérasénus. N’est-il pas plus facile à une âme de s’associer à une autre âme par l’identité de substance, qu’à un esprit malfaisant dont la nature est différente ? Mais le même philosophe, lorsqu’il recommande, au sixième livre des Lois, de prendre garde que la semence viciée par des moyens

  1. Argée, montagne de la Cappadoce. Sita est sub Argæo monte omnium altissimo, cujus vertex nunquam nivibus privatur. ( Strabon. )
  2. Auspicatiùs enectâ parente gignuntur, sicut Scipio Africanus prior, natus ; primusque Caesar à caeso matris utero dictus : quâ de causâ caesones appellati. (Pline l’Ancien, liv. 7, ch. 9.)