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Page:Tertullien - Œuvres complètes, traduction Genoud, 1852, tome 2.djvu/68

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famines, les guerres, les gouffres qui ensevelissent les cités, doivent être regardés comme un remède, espèce de tonte pour les accroissements du genre humain. Toutefois, quoique ces sortes de haches moissonnent à la fois une grande multitude d’hommes, jamais cependant l’univers n’a encore vu avec effroi, au bout de mille ans[1], la résurrection de cette multitude, ramenant la vie après la mort. La balance entre la perte et le rétablissement aurait cependant rendu la chose sensible, s’il était vrai que les vivants naquissent des morts. Ensuite, pourquoi les morts revivent-ils au bout de mille ans, et non pas aussitôt, puisque si l’objet disparu n’est pas réparé sur-le-champ, il court risque d’être complètement anéanti, la perte l’emportant sur la compensation ? En effet, la course de la vie présente ne serait pas en proportion avec cette révolution de mille ans, puisqu’elle est beaucoup plus courte, et conséquemment plus facile à éteindre qu’à rallumer. Ainsi, la perte et le rétablissement n’ayant pas lieu, tandis qu’ils devraient survenir si les morts renaissaient des vivants, il est faux que la mort engendre la vie.

XXXI. D’ailleurs, si les vivants renaissaient des morts, chacun par là même renaîtrait de chacun. Il faudrait donc que les âmes qui avaient animé chaque corps, rentrassent dans ce même corps. Or, si deux, trois, et jusqu’à cinq âmes sont renfermées au lieu d’une dans un seul utérus, les vivants ne naîtront pas des morts, ni chacun de chacun. Dans ce cas, l’âme est unique au commencement, tandis qu’aujourd’hui plusieurs âmes sont tirées d’une seule. De même, puisque les âmes meurent à un âge différent, pourquoi reviennent - elles simultanément ? Toutes les âmes passent d’abord par l’enfance : comment admettre qu’un vieillard, après sa mort, revienne enfant sur la terre ? Si l’âme,

  1. Platon avait dit dans le Phèdre, et au 10e livre de la République, qu’au bout de mille ans, le genre humain aurait complètement réparé ses pertes : Universam orbis fore restitutionem post mille annos.