Page:Tertullien - Œuvres complètes, traduction Genoud, 1852, tome 3.djvu/109

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qu’y a-t-il de commun entre Dieu qui crée le monde et la Beauté qui blesse les ames, ou l’aimant qui attire le fer ? Car, en admettant que Dieu ait apparu à la Matière, toujours est-il qu’il ne la blessa point comme la Beauté blesse l’ame ; en admettant qu’il se soit approché d’elle, toujours est-il qu’il ne s’attacha point à elle, comme le fer à l’aimant. Mais, je le veux bien, tes exemples vont à la question. S’il est vrai que ce soit en se montrant à la Matière, et en s’approchant d’elle que Dieu en tira le monde, il est certain qu’il ne le créa que depuis qu’il se montra à la matière et s’en approcha. Par conséquent, il ne s’était ni montré à elle ni approché d’elle avant de l’avoir créée. Mais qui croira que Dieu ne se fût jamais rendu visible à la Matière, ne fût-ce que par la raison qu’elle lui était consubstantielle de toute éternité ? Quoi ! il aura toujours été loin d’elle celui qui est présent partout, qui remplit tout, et dont les êtres inanimés et incorporels chantent les louanges dans le prophète Daniel ! Qu’il était immense le lieu dans lequel Dieu était assez éloigné de la Matière pour que jamais il ne se soit montré à elle ou ne s’en soit approché ! En vérité, il lui a fallu faire bien du chemin le jour où il voulut lui apparaître pour la première fois et s’en approcher !

XLV. Mais les prophètes et les apôtres ne nous ont point transmis que Dieu ait créé le monde, seulement en apparaissant à la Matière et en s’approchant d’elle, puisqu’ils ne font pas même mention d’une Matière, quelle qu’elle soit. Ils nous parlent d’abord de la création de la Sagesse, « qui est le commencement de ses voies avant de procéder à ses œuvres. » Puis vient le Verbe « par qui tout a été fait et sans qui rien n’a été fait. » Enfin « les cieux sont créés par son Verbe et l’armée des cieux par son souffle. » Voilà la main droite de Dieu ; voilà les deux mains par lesquelles il a opéré ce qu’il a fait. « Les cieux sont l’ouvrage de vos mains, est-il dit ; par elles vous avez mesuré la terre ; par elles vous avez étendu le ciel. » Que