Page:Tertullien - Œuvres complètes, traduction Genoud, 1852, tome 3.djvu/348

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de nécessités de se marier. Dominer dans une famille étrangère, s’établir dans une opulence qui n’est pas à soi, arracher à autrui les frais de son luxe, et prodiguer follement des trésors qui ne lui coûtent rien, voilà les biens célestes que la concupiscence promet. Ah ! loin des fidèles ces pensées, puisqu’ils ne doivent pas s’inquiéter comment ils vivront, à moins de se défier des promesses du Seigneur, « qui revêt de tant de grâce le lis des champs, qui nourrit l’oiseau du ciel sans qu’il travaille, qui nous défend de nous mettre en peine de la nourriture ou du vêtement pour le jour de demain, et nous affirme avec serment qu’il n’ignore aucun des besoins de ses serviteurs. » Il ne leur donne pas, il est vrai, de lourds colliers d’or, des vêtements aussi somptueux qu’embarrassants, un peuple d’esclaves gaulois, des porteurs germains, ni toute cette pompe qui allume dans le cœur d’une jeune fille le désir de se marier ; il leur fournit seulement le nécessaire ; c’est assez pour la décence et la modération. Persuadez-vous bien, je vous en conjure, que rien ne vous manquera si vous servez le Seigneur. Je me trompe, vous possédez tout en possédant le Seigneur auquel appartiennent toutes choses. Songez aux biens célestes ; vous regarderez avec mépris ceux de la terre. La veuve qui s’est engagée au service de Dieu ne connaît plus d’autre nécessité que la persévérance.

V. Quelques-uns, disent-ils, n’entrent dans le mariage que par le désir de revivre dans une postérité, plaisir quelquefois si amer. Cette raison n’existe pas pour nous. A quoi bon soupirer après des enfants, puisque, si nous en avons, nous souhaitons de les voir enlevés à ce siècle impie, à cause des tempêtes qui les menacent, impatients nous-mêmes d’être délivrés de ce monde prévaricateur et d’être reçus dans le royaume de Dieu, ainsi que l’Apôtre le demandait pour lui-même ? Une postérité vraiment est chose nécessaire au serviteur de Dieu ! Sans doute nous sommes déjà trop certains de notre salut, pour consacrer encore nos loisirs