Page:Tertullien - Œuvres complètes, traduction Genoud, 1852, tome 3.djvu/368

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persévère dans le célibat par une décision volontaire. Reste un troisième degré, la monogamie, en vertu de laquelle un sexe renonce à l’autre, quand le premier mariage a été dissous par la mort. La première espèce de virginité a le bonheur d’ignorer complètement ce que plus tard on regrette d’avoir connu. La seconde dédaigne héroïquement ce qu’elle n’a que trop connu. La troisième, qui renonce au mariage une fois que l’union conjugale est rompue, outre le mérite du courage, a aussi le mérite de la modération. N’est-ce pas être modéré que de ne pas regretter ce qui nous a été enlevé, enlevé surtout par le Seigneur, sans la volonté duquel il n’est pas une feuille qui se détache de l’arbre, ni le plus humble passereau qui tombe à terre ?

II. Quelle modération d’ailleurs dans ce langage : « Le Seigneur me l’a donné ; le Seigneur me l’a ôté : il a été fait comme il a semblé bon au Seigneur. » Voilà pourquoi, si nous renouvelons une alliance qui a été détruite, nous allons infailliblement contre la volonté de Dieu, en voulant avoir une seconde fois ce qu’il n’a pas voulu que nous eussions. S’il l’avait voulu, nous l’aurait-il enlevé ? A moins de prétendre que Dieu veuille de nouveau ce qu’il avait cessé de vouloir. Il n’appartient point à une foi sincère et bien fondée, de rapporter ainsi toutes choses indistinctement à la volonté de Dieu, et de chercher à se flatter soi-même, en disant que rien n’arrive sans sa volonté, comme si nous oubliions qu’il y a également une détermination en nous.

En vérité, l’on excuserait toutes les prévarications, si l’on s’imaginait que rien ne s’accomplit en nous sans la volonté de Dieu. Cette prétention n’irait à rien moins qu’à la destruction de la loi tout entière et de Dieu lui-même, s’il était vrai qu’il fît par sa propre volonté ce qu’il ne veut pas, ou qu’il voulût indistinctement toute chose. En effet, quand il défend telle ou telle prévarication, sous peine des supplices éternels, il en résulte qu’il ne veut passée qu’il défend, parce que cela