Page:Tertullien - Œuvres complètes, traduction Genoud, 1852, tome 3.djvu/379

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

une femme avec convoitise a commis l’adultère au fond de son cœur. » Or, celui qui la regarde pour l’épouser fait-il moins ou plus ? Qu’importé même qu’il l’épouse ? L’aurait-il épousée s’il ne l’avait convoitée pour l’épouser et regardée pour la convoiter ! A moins peut-être que l’on n’épouse une femme sans l’avoir ni vue ni convoitée.

Sans doute il y a une grande différence qu’un homme, marié ou libre, désire une femme étrangère. Or toute femme, même pour celui qui est libre, est étrangère aussi long-temps qu’elle n’est pas à lui ; de sorte qu’elle ne peut être mariée sans avoir été adultère. Les lois semblent établir une distinction entre le mariage et la fornication, mais elle ne porte que sur la permission donnée ou refusée, et non sur la chose en elle-même. D’ailleurs, quel est le but de l’homme et de la femme, dans le mariage comme dans la fornication ? L’union de la chair dont le simple désir a été comparé par le Seigneur à l’adultère lui-même.

— Mais, me dira-t-on, vous attaquez jusqu’aux premières noces, jusqu’aux noces uniques !

— Oui, je les attaque et avec raison, puisqu’elles ont le même mobile que l’adultère. Voilà pourquoi « il est très-avantageux à l’homme de ne s’approcher d’aucune femme ; » pourquoi encore le principal mérite de la virginité, c’est de se tenir éloignée de tout ce qui ressemble à la fornication. Et puisque ces considérations sur les premiers mariages sont déjà si puissantes en faveur de la continence, quelle force n’aurout-elles pas pour arrêter les seconds et les troisièmes ? Dieu t’a permis de te marier une fois ; témoigne-lui-en ta reconnaissance. Tu lui témoigneras la reconnaissance, si tu oublies qu’il te l’a permis une seconde fois. D’ailleurs c’est abuser de la condescendance que d’en user sans modération. Modération vient de modus, qui signifie mesure. Ne te suffit-il pas d’être descendu du faîte d’une virginité sans tache pour tomber au second rang de la chasteté ? Faut-il encore que tu t’abaisses