Page:Tertullien - Œuvres complètes, traduction Genoud, 1852, tome 3.djvu/414

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il sèche la main du roi et la rétablit dans son premier état ; il brise ensuite l’autel. Le roi, émerveillé de ces signes, l’invite à sa table ; mais le prophète s’en excuse, parce que le Seigneur lui avait défendu de prendre aucune nourriture en ce lieu. Toutefois, trompé quelque temps après par un vieillard qui se disait prophète, il mangea chez lui ; alors, selon la parole qu’il avait entendue parce qu’il était à table, il ne fut pas porté dans le sépulcre de ses pères. Car un lion s’élança sur lui dans sa route et le tua. Il fut enseveli chez des étrangers, en punition du jeûne qu’il avait violé. Exemples terribles qui doivent servir de leçon au peuple, et même aux évêques spirituels, s’ils s’abandonnent à la gourmandise.

Il n’est pas jusqu’aux enfers où l’avertissement ne retentisse encore. Les festins y sont châties dans la personne du riche, de même que les jeûnes y sont récompensés dans la personne du pauvre, tous deux ayant pour précepteurs Moïse et les prophètes : « Ordonnez un jeûne public, s’écrie Joël, et annoncez les hommages. » Il prévoyait dès-lors qu’un jour d’autres apôtres et d’autres prophètes[1] ordonneraient des jeûnes et proclameraient des exercices qui ont pour but de soigner Dieu. De là vient que des infidèles qui nettoient les idoles, qui parent les autels, et les saluent à toute heure avec un empressement affecté, on dit qu’ils leur rendent des soins.

Mais ne voilà-t-il pas que les païens eux-mêmes connaissent la loi de la mortification et de rabaissement ? Que le ciel devienne d’airain, que l’année refuse les moissons, ils ordonnent des nudipédales[2], les magistrats se dépouillent de la pourpre, ils éloignent les faisceaux, ils adressent des prières, ils entassent victime sur victime. En outre, dans quelques colonies, vêtus de cilices, et la tête couverte de cendre, ils reprochent chaque année à leurs

  1. Montan, Prisca et Maximilla.
  2. Sacrifices qui se faisaient nu-pieds.